Philippiens 4, 10-23

L’élection de Matthias

Daniel Marguerat

Les Actes des Apôtres (1-12), p. 63s

 

Pierre brosse le portrait du candidat à la succession de Judas ; il offre par là même une définition de l’apostolat selon Luc : l’apôtre doit être choisi parmi les compagnons de Jésus, ceux qui l’ont accompagné depuis son baptême par le Baptiste jusqu’à son élévation au ciel. L’énoncé des qualités requises pour rejoindre le collège des Douze comprend donc une définition, être témoin de la résurrection, et une condition, avoir marché avec les compagnons de Jésus. L’amplitude du compagnonnage reprend les deux bornes du ministère du Nazaréen selon l’évangile : le baptême de Jésus et son Ascension. L’apôtre est donc celui qui, témoin de la totalité de ce ministère, peut attester l’identité du Jésus terrestre et du Ressuscité ; il confère à la tradition une garantie de fiabilité. Cette garantie vise l’annonce de la résurrection : le nouvel apôtre doit être avec nous témoin de sa résurrection. Tout au long des Actes, la proclamation kérygmatique des apôtres et de Paul pointera en effet sur l’acte puissant de Dieu relevant Jésus d’entre les morts, confirmant ainsi la validité de son œuvre terrestre. La résurrection, dans les Actes, s’avère être le contenu central du kérygme. 

Pareille définition de l’apostolat entraîne deux conséquences : la définition de l’apôtre fusionnant avec celle des Douze, l’apostolat est vu par Luc comme une fonction unique et irremplaçable dans l’histoire de l’Eglise ; autre conséquence, la position lucanienne ne coïncide pas avec celle de Paul pour qui l’envoi par le Ressuscité fonde l’apôtre. Etienne et Paul se trouvent de fait exclus de la définition de Luc, qui leur réserve le titre de témoin.

Sitôt reconnu nécessaire par Pierre, le remplacement du poste de Judas est engagée par la communauté ; c’est cette dernière qui agit, à moins que ce ne soit les Onze, le sujet de l’action demeurant indéterminé : Ils mirent en avant. Deux candidats sont présentés : Joseph dit Barsabbas et Matthias ; l’usage du tirage au sort, connu dans toutes les religions de l’Antiquité, répond au désir de laisser à Dieu le pouvoir de décision. L’Esprit n’étant pas encore venu, c’est à l’antique médiation du pouvoir divin que recourent les croyants ; Luc a restauré, pour l’occasion, cette pratique du droit sacré qui, dans la tradition d’Israël, remonte au partage de la terre promise par le sort dans le livre des Nombres. Tout est en place désormais pour que survienne la phase décisive de la mise au monde de l’Eglise : l’effusion de l’Esprit à la Pentecôte.