Zacharie 2, 5-17

La troisième vision : le géomètre

Samuel Amsler

Les derniers prophètes, CE 90, p. 21s

 

Zacharie, après un premier appel à revenir au Seigneur, la lecture d’hier, raconte les visions qu’il a reçues au cours d’une même nuit. Aujourd’hui, nous venons d’entendre la troisième de ces visions. Trois personnages apparaissent successivement, dont les rôles ne sont pas faciles à retracer.

D’abord apparaît un géomètre, muni de son cordeau à mesurer le terrain. La question habituelle lui est posée directement par le prophète : Où vas-tu ? Le prophète apprend ainsi le projet de cet homme : il vient parcourir Jérusalem pour en prendre les mesures, afin de voir quelle est sa largeur, et quelle est sa longueur. Le but de ce relevé cadastral n’est pas indiqué, mais ce projet fait allusion à une réalité du moment : depuis la catastrophe de 587, la ville est privée de son mur d’enceinte. La venue de ce géomètre répond à la sourde inquiétude des habitants de la ville, restée sans protection : déjà quelqu’un prépare les travaux de relèvement de la ville, comme le fera un  jour Néhémie.

Survient un deuxième personnage. Le récit l’appelle un ange, littéralement un envoyé, pour faire entendre que cet autre personnage vient de la part du Seigneur. Mais juste avant cet ange, le récit mentionne curieusement l’apparition de l’ange-interprète, lui qui, dans les autres visions, n’a pas l’habitude d’entrer dans le champ de la vision. Est-ce une confusion due à un copiste distrait ? C’est ce que soupçonne le traducteur grec de la Septante qui laisse l’ange-interprète hors de la vision, dans son rôle de spectateur, à côté du prophète. Mais ce trait inhabituel pourrait aussi être une manière de varier le récit, pour éviter la monotonie.

L’ange-interprète s’adresse directement à l’envoyé de Dieu pour lui donner l’ordre de rejoindre le géomètre et de le stopper dans son entreprise. Car celle-ci est à la fois hors de propos et inutile : hors de propos, parce que la ville aura besoin de beaucoup plus d’espace que jadis pour accueillir tous ceux qui vont venir s’y installer, avec leur bétail. Et surtout, entreprise inutile, car la protection de la ville est assurée par le Seigneur lui-même. Les mots choisis pour le dire sont repris du livre de l’Exode : Je serai là fait écho à la révélation du nom divin à Moïse ; et le rempart de feu rappelle la colonne de feu qui accompagnait le peuple dans sa marche au désert. Ainsi, le veto mis à l’initiative du géomètre apprend à la communauté des croyants que, dans l’attente du salut, elle n’a pas à chercher sa sécurité derrière des murs de protection. Elle peut vivre dans l’ouverture aux autres et dans la confiance en son Seigneur, lui qui est sa gloire, c’est-à-dire sa seule puissance dans le monde.