Job 28, 1-28

« Mais la Sagesse, d’où sort-elle ? »

Georgette Chéreau

Job et le mystère de Dieu, un chemin d’espérance, p. 166s

 

Alors la Sagesse, d’où sort-elle ? Où jaillit sa source ? Si l’homme échoue quand il croit pouvoir l’obtenir à partir des forces et des biens dont il dispose, en quel lieu la trouver ? Nul n’en fait commerce et d’ailleurs l’homme n’aurait rien à proposer en contrepartie ; elle n’a pas de prix, car elle est plus précieuse que toutes les richesses du monde : La Sagesse vaut mieux que les perles et rien de ce qu’on désire ne l’égale. J’ai préféré l’avoir plutôt que la lumière. L’or dont le poète se plaît à décliner les variétés, particulièrement celui d’Ophir, une oasis du désert arabe où Salomon envoyait ses vaisseaux chercher de quoi construire le temple de Jérusalem, ne peut servir à l’acheter. Le verre, alors considéré comme un matériau de prix, le topaze d’Ethiopie, l’onyx, le saphir ou les trésors de la mer, coraux et perles, ne peuvent lui être comparés. Sa grandeur est d’un autre ordre. Aucune créature ne peut se l’approprier, pas plus les hommes que les animaux. Les oiseaux à la vue la plus perçante qui survolent la terre n’en connaissent pas le lieu.

Le thème de la vaine quête de la sagesse et de l’immortalité au-delà des cieux et des mers est emprunté aux aventures des figures mythiques, comme Gilgamesh, le héros de l’épopée mésopotamienne qui porte son nom. Interrogés, l’abîme, océan primitif couvert de ténèbres, la mer, sur laquelle les Hébreux redoutaient de s’aventurer, répondent qu’ils n’abritent pas la sagesse. La Perdition, symbole du Shéol, ne la connaît que par ouï-dire. Sa source ne peut donc être dans un lieu imaginable.

Pourtant la sagesse circule, elle sort, elle entre, mais celui qui croit la saisir se leurre. On peut dire seulement qu’elle n’est pas là, à cela près que la mort, dans les profondeurs du monde, a perçu la rumeur de son passage. L’épreuve de la sagesse qui dure toujours et se meut, n’est-elle pas son passage par l’arrêt de la mort ? Dieu a décrété la vie, mais il ne peut empêcher sa créature de connaître par la mort qu’elle n’est pas la source de cette vie. Pour l’auteur du livre de Job, la plus belle trajectoire de la sagesse est un pas encore, une promesse que le juste mourant tient entre ses dents, mais dont l’espérance soutient toute la démarche.