Luc 10, 1-12 + 17-20

« Paix à cette maison »

Saint Grégoire le Grand

Homélies sur l’Evangile, livre I, Sermon 17, SC 485, p. 371s

 

Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : Paix à cette maison. La paix offerte par la bouche du prédicateur ou bien se repose dans la maison s’il y a là un fils de la paix, ou bien revient vers le prédicateur. Car ou bien il y aura là des hommes prédestinés à la vie, et ceux-là obéiront à la parole céleste qu’ils écoutent, ou bien, si personne ne veut écouter, le prédicateur ne sera pas lui-même sans fruit, la paix reviendra vers lui, puisqu’il est récompensé de son travail par le Seigneur.

Mais voici que celui qui a défendu de porter bourse et sac accorde d’être pour la prédication défrayé et nourri. Car le texte poursuit : Demeurez dans  la même maison, mangeant et buvant ce que les gens ont là, car l’ouvrier a droit à son salaire. Si notre paix est accueillie, il convient que nous demeurions dans la même maison, mangeant et buvant ce que les gens ont là, obtenant d’eux le salaire terrestre qui nous permet de leur offrir les biens de la patrie céleste. Si Paul dit-il en recevant ce salaire comme très peu de chose : Si nous avons semé en vous des biens spirituels, est-il étonnant que nous récoltions vos biens temporels ? Or, il faut remarquer que le texte ajoute : L’ouvrier a droit à son salaire, car les aliments qui le sustentent sont une première récompense de son travail, en sorte que la récompense pour le labeur de la prédication commence ici-bas, pour s’achever là-haut par la vision de la vérité. A ce sujet, il faut remarquer qu’à notre unique travail deux récompenses sont dues, l’une sur la route, l’autre dans la patrie, l’une qui nous soutient dans notre travail, l’autre qui nous rémunère lors de la résurrection. La récompense présente doit nous faire tendre avec plus de vigueur vers celle qui la suit. Tout vrai prédicateur doit donc ne pas prêcher pour avoir sa récompense en ce temps-ci, mais recevoir sa récompense pour avoir la force de prêcher. Dès lors quiconque prêche avec l’intention de recevoir ici-bas sa récompense d’une louange ou d’un présent, se prive sans aucun doute de la récompense éternelle. Par contre quelqu’un peut désirer que ce qu’il dit aux hommes leur plaise, afin que, sa parole leur plaisant, cette parole fasse aimer, non pas lui, mais le Seigneur. Ou bien, il peut toucher une récompense terrestre pour sa prédication, afin que sa pauvreté ne lui enlève pas la force de prêcher ; avoir reçu des ressources sur la route ne saurait empêcher cet homme de recevoir sa récompense dans la patrie.