Job 32, 1-6 + 33, 1-22

Discours d’Elihu

Père Jean Steinmann

Job, p. 95s

 

Un successeur du poète qui écrivit le livre de Job a tenté de compléter l’œuvre en lui ajoutant les discours d’Elihu, et en les insérant entre entre la dernière réponse de Job à ses amis et le discours de Dieu.

Cet Elihu ne manque pas d’aplomb ! Les amis de Job sont des vieillards, Elihu est un blanc-bec qui commence par se moquer des vieux. Certes, cela est relativement poli : il fait même l’apologie de la politesse.

Après cette concession aux usages, il avoue avoir été déçu par les faiblesses de l’argumentation des trois amis ; il reconnaît modestement avoir été inspiré par Dieu.

Mais quel bavard ! Il ne lui faut pas moins de vingt-trois vers pour affirmer son intelligence, son goût de la parole, son impartialité, la sagesse de ses propos, sa certitude fanfaronne d’être un dialecticien imbattable.

Dès qu’il en vient au sujet, il résume fort bien la thèse de Job qui consiste à se déclarer innocent. Mais là n’est pas le problème pour Elihu. L’homme se trompe toujours. Job n’est pas l’égal de Dieu pour mettre sa parole en balance avec la sienne. Elihu soutient donc à Job que la douleur qu’il subit est une révélation divine de son péché. Il y a deux formes de révélation semblable : les songes (Elihu a lu le récit du songe d’Abiméleq en Genèse 20) et la maladie. Job n’a pas d’autres ressources que de faire comme tout le monde. Au lieu de s’entêter dans des protestations butées, qu’il invoque un ange intercesseur lequel implorera sa grâce au tribunal de Dieu, et c’est bientôt qu’il offrira un sacrifice d’action de grâces pour sa guérison, au cours duquel il confessera son péché, en remerciant Dieu de l’avoir fait échapper à la mort.

A peine son premier discours fini, sans que Job ait répliqué, Elihu reprend la parole. Il résume de nouveau la thèse de Job pour montrer qu’elle s’appuie sur ce présupposé théologique scandaleux que Dieu éprouverait une sorte de goût pour l’injustice. N’oublions pas, en lisant cette diatribe d’Elihu, qu’un Sémite ne fait pas la distinction entre ce que Dieu permet et ce qu’il provoque. Dieu est le seul véritable acteur du monde. Si Job souffre, tout le monde admet que Dieu est l’auteur de sa souffrance. Mais l’univers nous apprend, par la Sagesse avec laquelle il est conduit, que Dieu est juste. Or, pense Elihu, Dieu ne retirerait aucun profit  d’une douleur injuste infligée à une créature, alors que Job insinue le contraire par ses protestations. Pour Elihu, la conclusion s’impose : Job est un fou délirant.