Isaïe 59, 1-14

« Nous avons beaucoup péché… »

Anne-Marie Pelletier

Le livre d’Isaïe ou l’histoire au prisme de la prophétie, p. 1586s

 

Dans le passage d’Isaïe que nous venons d’écouter, nous y entendons la voix d’un nous. Celui qui parle ainsi exprime la plainte et la détresse face à un temps où l’obscurité persiste, où le salut est différé, où l’attente est déçue : Nous attendions la lumière et voici les ténèbres, la clarté, et nous marchons dans l’obscurité. Nous tâtonnons comme des aveugles cherchant un mur, comme privé d’yeux nous tâtonnons. Nous trébuchons en plein midi comme au crépuscule, parmi les bien-portants nous sommes comme des morts. Nous grognons tous comme des ours, comme des colombes nous ne faisons que gémir ; nous attendons le jugement, et rien ! Le salut, il demeure loin de nous. Mais au lieu d’accuser Dieu, la voix anonyme prend cette fois une autre direction. Si Dieu ne voit pas, s’il n’entend pas, c’est que le péché a creusé un abîme entre lui et l’homme. On remarque là, au passage, comment est reprise et qualifiée la question du Dieu caché rencontrée précédemment. Si Dieu semble inaccessible, ce n’est certes pas qu’il se cache pour se jouer de l’homme, c’est le péché qui, en l’homme, le rend invisible. Lui qui est prêt à dire me voici, dès que la justice est préférée au crime.

Mais voilà que le diagnostic que Dieu posait quelques versets plus haut est maintenant relayé par une parole humaine qui accepte de reconnaître : …nombreux sont nos crimes contre toi, nos péchés témoignent contre nous. Oui, nos crimes nous sont présents et nous reconnaissons nos fautes : nous révolter, renier Dieu, cesser de suivre notre Dieu ; proférer violence et révolte, concevoir et méditer le mensonge. Cette confession du péché, à laquelle, enfin, l’on commence à aborder un peu explicitement, est ce qui fait pivot dans le texte, et dans l’histoire. Elle est cette porte étroite qui faisait passer du jugement à la lumière et à la paix du salut. A chacun de choisir. C’est ce qu’énoncent deux versets superbes qui font suite à une vision de Dieu en tenue de justicier. Ayant rappelé que Dieu va payer à chacun son dû, l’oracle montre que c’est la même puissance irrésistible qui  balaiera le rebelle et qui exaltera l’homme humble : …car il viendra comme un torrent resserré, chassé par le souffle de Dieu. Alors un rédempteur viendra à Sion, pour ceux qui se détournent de leur crime, en Jacob. Oracle du Seigneur.