Jonas 1,1 – 2,1+11

La leçon dogmatique fondamentale du livre de Jonas

Père André Feuillet

Fascicule Bible de Jérusalem, Jonas, p. 19s

 

Le livre de Jonas est divisé en deux parties symétriques (Chapitres 1-2, d’une part, et 3-4, d’autre part), dont la première est subordonnée à la seconde.

Dans la première partie, l’auteur veut avant tout faire ressortir le caractère surnaturel de la mission de Jonas ; celui-ci essaie d’échapper à l’emprise divine. Qu’il ne puisse y parvenir, c’est là, comme dans le cas de Jérémie, la preuve de l’origine divine de son mandat. Un Israélite pouvait facilement désirer l’anéantissement d’une cité païenne comme Ninive, mais précisément Jonas ne veut pas l’annoncer. C’est Dieu qui l’amène à le faire contre son gré : le poisson de Jonas, c’est comme les corbeaux d’Elie ou l’ânesse de Balaam, le monde animal mis au service de la cause prophétique et servant à l’authentiquer. Il est remarquable que, pas plus que la tempête, le monstre marin ne soit présenté comme un châtiment, et qu’il ne soit soufflé mot ni de la colère de Dieu contre Jonas, ni du repentir de ce dernier. L’auteur ne songe qu’à créer cette certitude chez le lecteur : Jonas est un vrai prophète. Et cependant la seconde partie du livre nous fait assister à un fait étrange : l’oracle où le prophète annonce la destruction de Ninive ne se réalise pas. C’est dans ce contraste que se trouve la clé de tout l’ouvrage : les décrets de destruction dirigés contre les nations païennes, même s’ils portent les marques les plus certaines de leur origine divine, demeurent toujours conditionnels, bien qu’ayant été prononcés par Dieu de manière absolue.

Pour saisir tout ce que cet enseignement pouvait avoir de déconcertant pour les Juifs, il faut se rappeler la transcendance de la parole prophétique qui se confondait avec la parole de Dieu lui-même et avait la même efficience. Il faut se rappeler encore que dans la charte d’institution du prophétisme, le Deutéronome donne comme critère de la vraie vocation prophétique la réalisation des prédications à brève échéance. Toutefois Jérémie prépare Jonas en affirmant que la réalisation n’est requise que pour les oracles de bonheur et qu’on peut croire à priori les prophètes de malheur. Pour Jonas, les menaces divines, même les plus catégoriques, ne sont pas les arrêts d’une destinée aveugle, mais l’expression de la volonté d’un Dieu miséricordieux ; elles atteignent leur but précisément quand elles n’ont pas besoin de se réaliser. On comprend malgré tout comment cette non-réalisation pouvait être un sujet de scandale, surtout quand c’étaient les ennemis d’Israël qui se trouvaient épargnés : c’est pourquoi l’auteur a tenu à montrer que la prédication de Jonas, démentie par les faits, n’en venait pas moins de Dieu.