Actes des Apôtres 6,1-6 + 8,1-8

L’image idéale du martyr

Pierre Maraval

Actes et passions des martyrs chrétiens des premiers siècles, p. 23s

 

Les Passions qui se constituent en genre littéraire à partir du milieu du II° siècle, en relatant le déroulement de la passion d’un chrétien poursuivie et mis à mort pour sa foi, dressent le portrait du martyr authentique, et à travers lui forgent l’identité chrétienne. Tout en rapportant des faits, voire des dialogues authentiques, ils proposent un modèle dont les traits communs laissent apparaître une certaine stylisation. Il y a restructuration de son image : le martyr concret devient martyr idéal.

Le martyr, tour d’abord, est un témoin, d’où son nom, témoin de sa foi qu’il confesse devant le juge. Le martyre est un témoignage personnel poussé jusqu’au don de sa vie. S’agit-il d’un phénomène proprement chrétien, ou prend-il sa racine sur le modèle juif des Maccabées, souvent invoqué dans les divers textes chrétiens des premiers siècles ? Le débat reste vif entre historiens. Même si certains traits attestent une continuité, il semble qu’il n’y ait pas lieu de penser que le martyre chrétien repose sur une théologie juive du martyre. Il reste une différence capitale, le contenu du témoignage.

Le martyre, en effet, est le fruit d’une confession de foi chrétienne, confession qui peut se faire de diverses façons. Ce peut être la simple affirmation du christianisme, et cette déclaration suffit à lui valoir condamnation. C’est aussi, souvent, la confession du Dieu unique, laquelle s’accompagne, dans la plupart des cas, de celle de la divinité de Jésus, Fils unique de Dieu, Christ, Verbe, Sauveur, Seigneur.

La martyre n’est pas qu’une confession, c’est aussi un combat, une lutte sanglante. Dans leur combat, les martyrs imitent le Christ dont ils sont les véritables disciples, et qui souffre en eux ; bien plus, ils souffrent avec le Christ. Assistés par l’Esprit, les martyrs recourent constamment à la prière, avant leur arrestation, en prison, pendant la torture, avant ou pendant l’exécution ; le martyr de quelques-uns apparaît comme une célébration liturgique, voire eucharistique. Leur combat est mené avec l’espoir de la victoire, de la gloire, de la couronne, de la palme que l’athlète vainqueur obtient en récompense. De leur condamnation, transformée en triomphe, les martyrs espèrent la résurrection, la vie éternelle, le paradis, le salut ; ils s’attendent à entrer au ciel aussitôt après leur mort et à y retrouver d’autres fidèles qui chantent les louanges de Dieu.