Jean 12, 24-26

Tu veux voir ta vie porter du fruit, sème-la !

Saint Augustin

Sermons au peuple, OC 19, Sermon 330, 2-3, p. 23s

 

Si quelqu’un veut venir à moi, qu’il renonce à lui-même. Pour autant que Dieu m’en donnera la grâce, m’ouvrira la porte pour me laisser entrer, me fera briller sa lumière pour trouver, je vais examiner le sens de ces paroles : qu’il renonce à lui-même. Une personne qui s’aime, peut-elle renoncer à elle-même ? Voilà le raisonnement de l’esprit humain. L’homme demande : Comment cela est-il possible à la fois s’aimer et renoncer à soi-même ? Mais Dieu dit à l’homme : Que cette personne renonce à elle-même, si elle aime vraiment ! En s’aimant, elle se perd ; en se renonçant, elle se trouvera. Celui qui aime sa vie la perd, nous dit Jésus. Celui qui nous donne un tel conseil sait de quoi il parle, sait ce qui est bon pour nous, ce qu’il nous faut apprendre. Il sait comment réparer, guérir ce que, dans sa bonté, il a créé. Que celui qui aime sa vie cesse de s’y attacher et la perde !

Perdre ce que l’on aime rend triste. Mais regarde le cultivateur : ne perd-il pas ce qu’il sème ? Il perd la semence, il la répand, il la jette, il la recouvre de terre. Pourquoi t’étonner ? Cet homme qui semble ne faire aucun cas de son grain, qui le sacrifie, est en fait un moissonneur avide. Il faut regarder et l’hiver et l’été pour le comprendre : la joie du moissonneur explique la conduite du semeur. Il est donc vrai de dire : Celui qui aime sa vie la perd. Veux-tu la voir porter du fruit ? Sème-la ! Voilà pourquoi l’évangile nous recommande de renoncer à nous-mêmes. Ainsi personne ne se perdra en s’aimant d’un amour déréglé.

Il n’existe personne qui ne s’aime soi-même ; mais il faut veiller à un amour bien ordonné. Qui s’aime en laissant Dieu de côté, qui oublie Dieu afin de s’aimer, ne reste pas en soi, mais s’oublie, se quitte. Il s’en va, quitte son cœur, exilé par son mépris des biens intérieurs, sa préférence pour les choses extérieures. Rentre en toi-même ! Et lorsque, une fois relevé, tu seras revenu à toi, garde-toi d’y rester enfermé. Commence par te retirer de toutes les choses extérieures, pour rentrer en toi, puis retourne à celui qui t’a fait, à celui qui t’a cherché quand tu étais égaré, qui t’a retrouvé quand tu fuyais loin de lui, qui t’a fait te retourner vers lui, malgré tous tes efforts pour lui échapper. Rentre-en toi-même et attache à celui qui t’a fait !