Matthieu 25, 1-13

« Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre »

Saint Augustin

Sermons au peuple, Sermon 93, 6-7, OC 17, p. 76s

 

On se dit parfois : Voici le jugement : il se fait tant de mal, de si douloureuses afflictions se multiplient ! Voilà presque entièrement accompli tout ce qui a été prédit par les prophètes. Nous touchons au jugement. Si ceux qui parlent ainsi, parlent en vrais fidèles, ces pensées les mènent en quelque sorte au-devant de l’Epoux. Mais nous voyons-nous ? Guerre sur guerre, désolation sur désolation, tremblement de terre sur tremblement de terre, famine sur famine, et les peuples tombant sur les peuples, sans que l’Epoux n’arrive encore. Et tout en attendant son avènement, on voit s’endormir tous ces hommes qui répètent : il vient, il vient ; le jour du jugement nous trouvera encore en vie. Mais puisqu’on s’endort en tenant ce langage, qu’on ait donc devant les yeux la perspective de ce sommeil, que jusqu’à ce moment on persévère dans la charité, et qu’on l’attende jusqu’à ce qu’il arrive. Figure-toi que ce sommeil de la mort est lui-même endormi. 

Toutes donc s’endormirent : ceci doit s’entendre des vierges sages aussi bien que des vierges folles. Que signifie : Elles n’emportèrent point d’huile avec elles dans leur sac ? Dans leurs sacs, cela signifie dans leurs cœurs. Là, en effet, se trouve une huile mystérieuse qui vient de la bonté de Dieu ; car les hommes peuvent bien mettre de l’huile dans un vase, ils ne sauraient créer une olive. J’ai de l’huile, dis-tu. Est-ce toi qui l’as créée ? Elle est due à la bonté de Dieu. Tu as de l’huile ? Emporte-la avec toi. Qu’est-ce à dire ? Garde-la dans ton âme, garde-là dans ton cœur : applique-toi à plaire à Dieu.

Avant que ces vierges s’endormissent, il n’est pas dit que leurs lampes se fussent éteintes. Ce qui entretenait les lampes des sages, c’était l’huile intérieure, la paix de la conscience, la gloire invisible, l’intime charité. Les lampes des folles brillaient aussi. Pourquoi brillaient-elles ? C’est que les louanges humaines ne leur faisaient pas défaut. Après le réveil, c’est-à-dire à la résurrection des morts, elles commenceront à préparer leurs lampes, à se disposer à rendre compte à Dieu de leurs œuvres. Mais alors, plus personne pour les louer, il n’y a plus de vendeurs d’huile. Les lampes alors commencent à s’éteindre et les vierges folles se tournent vers les cinq vierges prudentes : Donnez-nous de votre huile, disent-elles, car nos lampes s’éteignent. Elles cherchent ce qu’elles ont toujours cherché, à brûler l’huile d’autrui, à vivre des louanges d’autrui : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.