Qohélet 7,1 – 8,1a

La sagesse est relative

Bertrand Pinçon

Qohélet, le parti pris de la vie, p. 117s

 

Qohélet poursuit son dialogue critique avec la tradition sapientielle. Si la sagesse procure à l’homme une réelle aptitude pour l’aider à mener sa vie, elle n’est pas pour autant infaillible. Le sage dénonce quelques citations communément véhiculés qu’il met à l’épreuve des faits.

Que la sagesse soit efficace, ce motif est constant dans la littérature sapientielle. Qohélet ne conteste pas ce donné sapientiel. Il le prend même à son compte : la déclaration de Qohélet sur la valeur et le profit de la sagesse suffit à nous en convaincre : La sagesse est bonne comme un héritage, et profite à ceux qui sont ici-bas. Mais aussitôt après, cette sentence est corrigée par les limites inhérentes à la situation de tout homme juste. Si être sage est indéniablement un atout, celui qui se comporte en juste n’est pas à l’abri d’une erreur. 

La référence à la mise à l’épreuve n’est pas sans rappeler l’expérience salomonienne du début du livre de Qohélet. Les multiples entreprises royales ont effectivement procuré des réjouissances au sage, mais elles ne lui ont rapporté qu’un maigre profit. Tout passe, même les quelques instants de bonheur qui sont à portée de mains. En définitive, la recherche de la sagesse n’est pas mieux lotie. Bien qu’étant reconnue maintenant comme bénéfique, elle n’en demeure pas moins inaccessible. Ses limites sont grandes, abyssales même, comme le laisse entendre le vocabulaire : lointain/long/profond. Entre temps, le maître de sagesse invite, une fois encore, son disciple à la modestie et au réalisme : Aussi, pour toutes les paroles que l’on dit, n’adonne pas ton cœur, de peur d’entendre ton serviteur te mépriser, car, maintes fois, tu as toi aussi méprisé les autres. 

D’une manière générale, les réflexions ne manquent ni de lucidité, ni de bon sens. Tel est le point commun de la sagesse et du bonheur. Loin de décourager notre sage, elles l’incitent à poursuivre sa recherche avec encore plus de réalisme, en l’aidant à se poser de nouvelles questions. Qui le trouvera ? cette question ouverte sur le futur vient relancer la réflexion.