Qohélet 11,7 – 12,14

Pourquoi et comment faut-il aimer Dieu ?

Saint Bernard

Textes choisis et présentés par Dom Jean Leclercq, p. 94s


Vous voulez entendre de moi pourquoi et comment il faut aimer Dieu ? Disons qu’il y a deux raisons d’aimer Dieu pour lui-même : nul amour n’est plus juste et nul amour n’est plus profitable. Car quand on se demande pourquoi il faut aimer Dieu, cette question a deux sens et j’hésite sur la question même. Est-ce : Quel titre Dieu a-t-il à notre amour ? ou Qu’y gagnons-nous ? Et je ferai dans les deux cas la même réponse : la seule raison valable d’aimer Dieu, c’est lui-même. Voyons d’abord en quoi il le mérite. Certes il a bien mérité de nous, lui qui s’est donné à nous quand nous ne le méritions pas. Tout d’abord Dieu qu’il est, que pouvait-il donner de plus que se donner lui-même ? Si donc on fait allusion au mérite de Dieu, en disant : Pourquoi aimer Dieu ? Voilà le principal mérite : c’est qu’il nous a aimés le premier. Bien digne d’être aimé en retour, surtout si on considère qui il est, qui il a aimé, et combien ? N’est-il pas en effet celui à qui tout esprit confesse : Tu es mon Dieu, tu n’as pas besoin de mes biens. Elle est authentique cette charité princière qui ne réclame pas son bien. Or, en faveur de qui, cet amour si pur ? L’Ecriture nous le dit : Alors que nous étions encore ses ennemis Dieu nous a réconciliés. Dieu a donc aimé, il a aimé gratuitement, il a aimé des ennemis. Mais, jusqu’à quel point ? Jean nous le dit : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Et Paul : Il n’a pas épargné son propre Fils ; pour nous, il l’a livré. Le Fils à son tour dit en parlant de lui-même : Personne n’a un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Voilà ce qu’il a mérité, lui, le Juste, de nous, impies ; lui le Très-Haut, de nous, chétifs ; lui, le Tout-Puissant, de nous, infirmes.  On dira peut-être : cela est vrai des hommes, non des anges. Je l’accorde, car pour les anges, rien de tel n’était nécessaire. Celui qui vint au secours des hommes dans la détresse, sauvegarda les anges d’une telle détresse. Il aimait les hommes : il les laissa tomber dans le malheur, mais de manière à ne pas les laisser malheureux. Il aimait tout autant les anges : il leur donna de ne pas passer par le malheur.