Tobie 1, 1-22

Le livre de Tobie

Paul Claudel

L’histoire de Tobie et de Sara, Introduction, p. 7s

 

Les histoires ou paraboles de l’Ancien et du Nouveau Testament ne sont pas simplement des anecdotes faites pour amuser un moment l’imagination. Elles ont un caractère que j’appellerai typique. Je veux dire qu’elles dessinent des attitudes en quelque sorte essentielles et monumentales de l’être humain, qu’elles rapportent des événements parfaits, qu’elles établissent des standards, des thèmes dont tout ce qui arrivent autour de nous n’est que le développement, l’illustration partielle ou la dégradation.

L’histoire de Tobie et de Sara est une application de cette parole de l’évangile de Matthieu (17,19-20) : Si deux d’entre vous s’unissent ensemble sur la terre, de quelque chose qu’ils demandent, il sera fait, il adviendra à eux, de par mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, là je suis au milieu d’eux. Entendez bien qu’il ne s’agit pas seulement d’une réunion physique : le Christ parle d’une réunion en Son nom, dont Il est la cause et l’objet, d’une prière commune non pas seulement des lèvres mais du cœur, de gens à la fois qui Lui demandent la même chose. Cette parole n’est pas sans nous rappeler celle du Deutéronome (19,15), citée par saint Matthieu et par la Deuxième Corinthienne : C’est au dire de deux ou trois témoins que la cause sera établie.

Dieu ne fait jamais de bien à quelqu’un tout seul, il ne lui donne jamais rien qui ne soit actif ou contagieux. En priant, nous donnons voix et expression à un désir, à un besoin qui n’est pas uniquement le nôtre, nous nous unissons à quelqu’un d’autre, connu de nous ou inconnu. Nous épousons sa propre nécessité et nous la renforçons de la nôtre. Nous l’aidons pratiquement. Nous permettons à nous deux, à l’Esprit de procéder. Nous accomplissons un acte de charité fraternelle et réciproque qui provoque et qui mérite récompense. Car il écrit : Ce que vous avez fait à l’un de ces frères miens, les moindres, c’est à Moi qui vous l’avez fait (Mt 25,40). 

Ainsi, en même temps, à Ninive, Tobie aveugle persécuté par sa femme et par les siens, et Sara, fille de Raguël, à Ragès, humiliée par sa servante. C’est la communion de ces deux âmes éloignées et qui s’ignorent dans la nécessité de la prière qui fait l’intérêt du livre de Tobie.