Luc 16, 1-13

L’intendant infidèle

Saint Ambroise de Milan

Traité sur l’évangile de Luc, SC 52, Tome II, p. 98s


Nul ne peut servir deux maîtres, non qu’il y en ait deux : il n’y a qu’un seul Maître. Car même s’il s’en rencontre pour servir l’argent, celui-ci pourtant ne se connaît aucun droit à être maître ; ce sont ceux qui se chargent du joug de l’esclavage : car il ne s’agit pas de juste pouvoir, mais d’injuste esclavage. Aussi dit-il : Faites-vous des amis avec l’argent d’iniquité, pour que vos largesses aux pauvres nous procurent la faveur des anges et des autres saints. L’intendant n’est pas repris. Apprenons à ce propos que nous ne sommes pas maîtres, mais plutôt intendants des richesses d’autrui ! Bien qu’il fût en faute, il est loué cependant pour s’être ménagé des appuis en remettant au nom de son maître. Et c’est justement qu’Il a parlé d’argent d’iniquité, parce que l’avarice tentait nos penchants par les appâts variés des richesses, si bien que nous voulons être esclaves des richesses. Aussi, dit-il : Si vous n’avez pas été fidèles avec un bien étranger, qui vous donnera ce qui est à vous ? Les richesses nous sont étrangères, parce qu’elles sont en dehors de notre nature : elles ne naissent pas avec nous, elles ne trépassent pas avec nous. Le Christ, au contraire, est à nous, parce qu’Il est la vie : aussi bien Il est venu chez Lui et les siens ne l’ont pas reçu. Personne donc ne vous donnera ce qui est à vous, puisque vous n’avez pas cru à votre bien, vous n’avez pas accueilli votre bien. Il semble donc que les Juifs soient accusés de fraude et d’avarice ; aussi n’ayant pas été fidèles sur l’article des richesses, qu’ils savaient n’être pas à eux, car les biens de la terre ont été donnés à tous pour l’usage commun, et qu’ils auraient certes dû partager avec les pauvres, ils n’ont pas mérité non plus de recevoir le Christ. Zachée, pour l’acquérir, a offert la moitié de ses biens. Ne soyons pas esclaves des biens extérieurs, puisque nous ne devons connaître d’autre Seigneur que le Christ ; car il n’y a qu’un seul Dieu Père, de qui tout vient et en qui nous sommes, et un Seigneur Jésus, par qui sont toutes choses. Mais alors ? Le Père n’est pas Seigneur, et le Fils n’est pas Dieu ? Mais le Père est aussi Seigneur, puisque par la parole du Seigneur, les cieux ont été affermis, et le Fils est Dieu, Lui qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni à jamais. Comment donc peut-il servir deux seigneurs ? C’est qu’il n’y a qu’un Seigneur, parce qu’il n’y a qu’un Dieu ; aussi bien vous adorez le Seigneur votre Dieu et vous ne servirez que Lui. Par où il est clair que le Père et le Fils n’ont qu’une même domination : or elle est une, si, au lieu d’être partagée, elle est tout entière dans le Père, tout entière dans le Fils. Ainsi, en affirmant une seule divinité, une seule domination dans la Trinité, nous proclamons qu’il n’y a qu’un Dieu et un Seigneur.