Tobie 2,1 – 3,6

Comment nos yeux sont-ils guéris ?

Saint Augustin

Sermon 88, 14-15, OC 17, p. 34s

 

Comment nos yeux sont-ils guéris ? De même que la foi nous fait sentir le Christ qui passe avec ses grâces, elle nous montre aussi le Christ s’arrêtant dans son immuable éternité. L’œil intérieur est guéri dès que l’on connaît la divinité de Jésus-Christ. Que votre charité comprenne bien cette vérité, donnez toute votre attention au grand mystère que je vais vous exposer. Toutes le actions que notre Seigneur Jésus-Christ a faites dans le temps ont pour objet d’établir en nous la foi. Nous croyons au Fils de Dieu, non seulement au Verbe par qui toutes choses ont été faites, mais nous croyons au Verbe fait chair pour habiter parmi nous, né d’une Vierge, ainsi qu’à tous les autres mystères que nous enseigne la foi. Ces actions mystérieuses nous montre Jésus-Christ passant, afin que les aveugles entendent le bruit de ses pas, crient pour leurs œuvres, et reproduisent dans leur vie leur profession de foi. Or, pour guérir ceux qui crient vers lui, Jésus-Christ s’arrête. Et quel est celui qui voit Jésus-Christ lorsqu’il s’arrête ? Celui qui peut dire : Si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus maintenant. Il voyait la divinité du Christ autant qu’on peut la voir en cette vie. La divinité s’arrête l’humanité passe.

Nos yeux une fois guéris, quel riche trésor pouvons-nous espérer ? Les hommes s’estiment heureux de voir cette lumière créée qui brille du haut des cieux avec ses flambeaux sur la terre. Comme ils plaignent le sort de ceux qui ne peuvent pas voir cette lumière ! Si je vous fais ces réflexions, c’est pour vous exhorter à crier lorsque Jésus passe. Croyez sans la voir encore, et criez pour obtenir de la voir. Si un homme vient à perdre la vue, on dit aussitôt : Dieu est irrité contre lui, il a commis quelque mauvaise action. C’est le langage que l’épouse de Tobie tenait à son mari. Tobie criait pour un chevreau, craignant qu’il n’eût été dérobé ; il ne pouvait souffrir dans sa maison le cri d’un animal qui eût été le produit du vol. Sa femme, en voulant défendre ce qu’elle avait fait, outrageait son mari. Et tandis qu’il lui disait : Rends le s’il a été dérobé, elle lui répondait par cette insulte : Où sont tes justices ? Quel aveuglement dans cette femme qui voulait défendre son larcin, et quelle lumière dans celui qui lui commandait de rendre ce qui avait été volé ! Elle jouissait de la lumière extérieure du soleil, mais Tobie était intérieurement éclairé de la lumière de la justice. Laquelle de ces deux lumières était préférable ?