Tobie 3, 7-17

La prière de Sara

Père Daniel Doré

Le livre de Tobie ou le secret du roi, CE 101, p. 21s

 

Après ses pleurs et son projet de suicide par pendaison, Sara réfléchit. La mémoire des Ecritures et des angoisses du patriarche Jacob la conduit à voir en son propre père la figure de Jacob. Elle se met en prière à l’instant même, étendant les mains du côté de la fenêtre. Lors de la dédicace du Temple de Jérusalem, Salomon avait adressé cette prière au Seigneur : Quel que soit le motif de la prière, quel que soit le motif de la supplication de tout homme qui appartient à Israël ton peuple ; quand celui-là prendra conscience du fléau qui touche au cœur et étendra les mains vers cette Maison, toi, écoute depuis le ciel, la demeure où tu habites, pardonne, agis et traite-le selon toute sa conduite puisque tu connais son cœur afin que les fils d’Israël te craignent tous les jours.

Pour la première fois dans le livre apparaît le vocabulaire de la bénédiction, qui sera repris dans la suite, tant pour proclamer la louange de Dieu que pour inviter à la prière, ou pour saluer ses frères en qui l’homme reconnaît l’œuvre de Dieu. Sara, dans sa détresse, présente, se présente comme créature du Dieu compatissant et miséricordieux : elle se sait appelée à la louange éternelle.

Sara établit le contact avec le ciel, avec son Dieu par son regard. Elle demande la mort comme le vieux Tobit et pour le même motif : que je ne m’entende jamais plus insulter. L’insulte, avec les nuances de reproche ou de blâme, est le contraire de la compassion.

La lamentation de Sara met en avant deux motivations : elle est restée pure et il n’y a plus de parent qui pourrait l’épouser et préserver ainsi l’héritage paternel. Le motif de la pureté s’oppose à la salissure du nom du père. Ce n’est pas la pureté morale, mais le respect de l’interdiction des mariages avec des étrangers.

Le thème de l’héritage est ici bien concret : le patrimoine. Or la législation sur l’héritage des filles n’est attestée que dans le livre des Nombres, à la réclamation des filles de Celofehad, un homme de la tribu de Manassé qui ‘avait pas eu de garçon. En leur faisant épouser des hommes de leur tribu, leur patrimoine ne passait pas dans une autre tribu. Une telle pratique était connue dans les lois mésopotamiennes, avant de passer dans les lois israélites. En application de cette loi, les filles d’Eléazar sont épousées par leurs cousins.. Sara n’a plus de parent qui puisse l’épouser selon la loi deutéronomique du lévirat.

Le vieux Tobit avait demandé la mort avec insistance. Sara envisage un avenir, malgré la perte de ses raisons de vivre : S’il ne te plaît pas de me faire mourir, alors, Seigneur, prête l’oreille à l’insulte qui m’est faite.