Judith 2,1-12 + 4,9-15

Interprétation du livre de Judith

Père André Barucq

Introduction aux livres de Judith et d’Esther, Fascicule BJ, p. 14s

 

Le livre de Judith apparaît comme un récit édifiant librement composé avec le souci de détacher l’attention d’un contexte historique précis pour la reporter tout entière sur le drame religieux et sur son dénouement.

C’est peut-être avec les apocalypses que le livre de Judith offre le plus d’apparentement. Il n’a emprunté au genre apocalyptique ni son imagerie ésotérique et déconcertante, ni son symbolisme numérique, ni sa référence habituelle à l’eschatologie. Mais l’idée foncière du livre est franchement apocalyptique. La lutte ente Dieu et l’impie se précise. Deux camps s’affrontent. Le parti de Dieu paraît voué à l’extermination. En réalité, son triomphe est assuré et Dieu le réalisera par les moyens les plus inattendus. Alors le peuple saint, maintenant opprimé, montera triomphant vers Jérusalem.

De plus, le livre de Judith a des contacts certains avec les livres de Daniel, d’Ezéchiel, de Joël et sur des points assez importants : conflit religieux fondamental entre Nabuchodonosor et Dieu, dessein de Dieu inscrit dans l’histoire, extermination des peuples païens. Dans la ligne des apocalypses encore, la rencontre des deux camps est située dans la plaine d’Esdrelon : c’est là que Jahel a vaincu Sisara, et saint Jean place dans la plaine d’Armageddon, la région de Megiddo, au sud du Carmel, la bataille eschatologique (Apocalypse 16,16) ; le nom d’Yizréel est un nom de malheur déjà dans chez Osée (1,4). Si le livre n’est pas pseudonymique au sens où le sont habituellement les apocalypses, comme elles il transpose le drame présent dans un passé mal défini et démarque l’histoire sous une onomastique trompeuse. Le nom de Judith paraît choisi en raison de sa signification : la Juive. En 16,4, Judith s’identifie à la nation. Les évaluations, toujours élevées, des troupes adverses sont aussi de règles dans de tels livres. 

Les apocalypses que voient proliférer les deux premiers siècles avant notre ère ne disent pas autre chose que le livre de Judith, mais elles le disent autrement. C’est sous la forme d’un récit que notre auteur tire les leçons religieuses de l’histoire et en fait une raison d’espérer dans le triomphe final de la cause de Dieu.