Apocalypse 12, 1-17

Fusion des anges et des hommes dans le corps mystique du Christ

Cardinal Charles Journet

L’Eglise du Verbe incarné, tome 3, p. 215s

 

Dès leur entrée dans la vie bienheureuse, les anges voient dans le Verbe le dessein qu’il a formé de se faire chair pour sauver les hommes, et, en ce sens, leur grâce, orienté vers le Christ, peut être dite christique virtuellement ; mais ils ignorent encore les circonstances de temps et de lieu du mystère de l’Incarnation.

Pendant la période qui va de la chute  d’Adam à la venue du Christ, ils reçoivent des missions destinées à secourir les hommes en préparant parmi eux l’évènement du Sauveur.

Dès sa venue, le Christ-homme apparaît au milieu des anges comme leur Tête : leur grâce et leur gloire substantielles, trouvant aussitôt en lui leur cause efficiente instrumentale et leur cause finale intermédiaire, deviennent christiques.

Mais le Christ ne vient pas d’abord pour les anges, il vient d’abord pour nous et pour notre salut ; il veut se fiancer, dans le sang de la croix, une Eglise faite des hommes qu’il aura arrachés au péché ; et en vue d’y intégrer pleinement les anges, il fait d’eux les serviteurs de notre rédemption ; c’est non seulement comme Tête des anges, mais encore comme Fils de l’homme qu’il les appelle ses anges.

Et maintenant, si nous nous interrogeons sur la signification de ces avènements successifs de la grâce chez les anges, que dirons-nous, sinon qu’avec le déroulement du temps la grâce des anges devient de plus en plus christique ; qu’ils passent, par degrés mais sans rupture, de l’univers de la création à l’univers de la rédemption ; que le Christ les attache à soi par des liens plus nombreux à mesure qu’il se manifeste davantage ; qu’en les rapprochant ainsi plus étroitement de lui-même, il les rapproche aussi plus étroitement des hommes, les fusionnant tous ensemble, anges et hommes, dans une même Eglise, qui est son épouse et son corps mystique. En sorte que ce que saint Paul dit du Christ, à savoir que, des deux peuples, Juifs et Gentils, il n’a fait qu’un peuple, annonçant la paix à ceux qui étaient prêts et à ceux qui étaient loin, en les réconciliant en un seul Corps par la croix, peut se transposer, sur un plan encore plus grandiose, des anges et des hommes, qui, dans le Christ, ne font plus qu’un peuple et se joignent en un seul Corps.