Tobie 6, 2-18

Le chien de Tobie

Père Daniel Doré

Le voyage aller de Ninive à Ecbatane, CE 101, p. 35s

 

C’est par l’évocation du chien de Tobie que Christian Bobin ouvre sa méditation : L’enfant partit avec l’ange et le chien suivit derrière. Dans cette phrase, vous ne voyez ni l’ange, ni l’enfant. Vous voyez le chien seulement, vous devinez son humeur joyeuse, vous le regardez suivre les deux invisibles : l’enfant, invisible par son insouciance, l’ange, rendu visible par sa simplicité. Le chien, oui, on le voit. Derrière. A la traîne, il suit les deux autres. Il les suit à la trace, et parfois il flâne, il s’égare dans un pré, il se fige devant une poule d’eau ou un renard, puis en deux bonds, il rejoint les autres. Vagabond, folâtre. L’enfant et l’ange sont sur la même ligne. Peut-être l’enfant tient-il la main de l’ange pour le conduire, pour que l’ange ne soit pas trop gêné, lui qui va dans le monde visible, comme un aveugle dans le plein jour. Et l’enfant chantonne, raconte ce qui lui passe par la tête et l’ange sourit, acquiesce, et le chien toujours derrière ces deux-là, tantôt à droite, tantôt à gauche. Ce chien est dans la Bible. Il y a des baleines, des brebis, des oiseaux et des serpents, mais très peu de chiens. Vous ne connaissez même que celui-là, traînant les chemins, suivant ses deux maîtres : l’enfant et l’ange, le rire et le silence, le jeu et la grâce.

Il peut être plaisant de rappeler la surprenante interprétation allégorique de Bède le Vénérable (vers 700) : Les docteurs sont appelés chiens, car ils gardent la maison et le troupeau spirituel du Créateur, et les défendent contre les bêtes sauvages que sont les esprits impurs et les hommes hérétiques. Bède s’attarde sur le frétillement de la queue du chien : La queue, qui est l’extrémité du corps, suggère que l’heureuse fin de toute opération constitue sa perfection. Et il considère, en ce frétillement, la joie de l’Eglise en la personne de ses docteurs, joie de l’accueil du message de salut par le peuple d’Israël !

Dans l’antiquité, le chien était le compagnon et le guide des hommes dans la vie comme dans l’au-delà, peut-être à cause de l’ouïe et de l’odorat  très développés permettant à l’animal de ressentir nombre de choses qui échappent à l’accueil du message de salut par le peuple d’Israël !

En Egypte, Anubis, homme à tête de cheval, mais qui s’incarnait dans un chien sauvage noir, aux longues oreilles, au museau effilé et au nez pointu présidait à l’embaumement, aux rites funéraires et au voyage dans l’autre monde. Il protégeait également les morts des voleurs. Anubis, qui, dans ce rôle, fut assimilé par les Grecs à Hermès, était vénéré à Cynopolis, la cité du chien.