Luc 17, 11-19

« Lève-toi, va, ta foi t’a sauvé »

Maître Eckhart

La mesure de l’amour, Sermons parisiens, p. 288s

 

Lève-toi, c’est-à-dire en te redressant vers la connaissance du don de la grâce, et va en progressant de vertu en vertu, et ainsi, par l’action de grâce, parce qu’il ne s’en est point trouvé qui revînt  et rendît gloire à Dieu, si ce n’est cet étranger.

Lève-toi, va, parce que tu es revenu avec une action de grâce. Cela signifie : Il rendit gloire à Dieu, en rendant grâce. Augustin dit dans la lettre qu’il écrit lui-même avec Alypius à Aurèle : On ne peut rien penser, ni dire, rien écrire de meilleur que ces mots : Dieu soit loué ! Il n’y a rien que l’on puisse dire de plus bref, ni entendre plus joyeusement, rien que l’on ne puisse comprendre de plus grand, ni accomplir plus fructueusement. La raison en est que l’action de grâce n’est pas autre chose qu’une congratulation, une sorte de joie dans le bien et au sujet du bien, ce qui est tout à fait naturel et couronne l’œuvre bonne comme la fleur ou le fruit. Car le plaisir dans l’œuvre est le signe de l’habitude : Mets tes délices dans le Seigneur, et : Des délices sont à ta droite pour toujours. D’où ce que dit l’apôtre (1 Thessaloniciens 5,18) : Rendez grâce en toutes choses. Mais l’action de grâce est le fait de rapporter les dons reçus à Dieu ; c’est donc de ce fait la raison, l’origine, le fondement du bien pour tout le reste. Plus nous rapportons pleinement à Dieu, plus l’œuvre trouve grâce auprès de Dieu et plus elle est meilleure en elle-même. Ainsi, en effet, vers le lieu d’où ils sortent, les fleuves retournent pour de nouveau couler. Comme Dieu donne gratuitement, plus je reçois gratuitement, et plus il donne promptement et naturellement. Mais à travers chacun de ses dons, il nous oblige à lui rendre grâce. Ainsi, rien ne lui est plus agréable que le fait de lui rendre grâce.

Ta foi t’a sauvé. La foi, écrit Boèce est le principe et le fondement de toutes les vertus, sans lesquelles la vie éternelle ne pourrait pas être espérée par les chrétiens. Et en voici la raison : La foi sans les œuvres est morte (Jacques 2,20). Le même Boèce dit encore : La vertu de la foi est la première union de l’esprit avec Dieu, parce que, quand nous recevons cette foi, nous commençons d’être unis à Dieu. Frères, appliquons cela. Or, cette foi est dans l’âme comme une racine vivace qui permet à la pluie d’aboutir au fruit.