Luc 18, 9-14

La prière qui monte jusqu’à Dieu

Hans Urs von Balthasar

Commentaires des lectures dominicales, Année C, p. 137s

 

Mon Dieu, prends pitié du pécheur qui je suis. L’évangile des deux hommes qui prient dans le Temple, le pharisien et le publicain, nous montre quelle prière monte jusqu’à Dieu. Déjà l‘attitude des deux hommes souligne la différence. L’un se tient la tête haute, comme si le Temple lui appartenait, l’autre se tient à distance comme s’il avait franchi le seuil d’une maison qui n’est pas la sienne. Le premier prie en lui-même, au fond il ne prie pas du tout Dieu, mais fait devant ses propres yeux un étalage de ses vertus dont il pense que, si lui-même les voit, Dieu surtout les verra, les remarquera, les admirera. Et il le fait en se distinguant résolument des autres hommes dont aucun, dit-il, n’a atteint le degré de sa perfection. Il suit la voie du se trouver soi-même, qui est exactement celle de la perte de Dieu. L’autre ne trouve en lui-même que péché, un vide de Dieu qui, dans la prière de supplication : Prends pitié de moi, devient un vide pour Dieu. Quiconque prend pour but ultime sa propre perfection ne trouvera jamais Dieu ; mais qui a l’humilité de laisser la perfection de Dieu devenir agissante dans son propre vide, sera aux yeux de Dieu un justifié

Celui qui sert Dieu de tout son cœur est bien accueilli. La première lecture de ce jour, extraite de Ben Sira le confirme. La prière du pauvre traverse les nuées. Le pauvre dont il s’agit n’est pas celui qui n’a pas d’argent, mais celui qui a conscience d’être pauvre en vertu, de ne pas correspondre à ce que Dieu demande de lui. Mais, de nouveau ce vide ne suffit pas, bien plus il est précisé que celui qui sert Dieu de tout son cœur est bien accueilli. C’est le service accompli avec l’humilité du serviteur inutile, mais ce n’est pas l’attente inactive du serviteur paresseux qui enfouit son talent. C’est le service accompli en sachant bien que l’on travaille avec le talent remis par le seigneur, et qui est vraiment confié afin qu’il rapporte du fruit pour le Seigneur. A ce pauvre, Dieu, le juste Juge rendra justice.

Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis, murmure le publicain : le voilà celui qui demande ! Il se fait son propre juge et Dieu plaide sa cause… Il s’accuse et Dieu le défend. Il le défendit si bien qu’il le jugea ainsi : Ce publicain s’en retourna chez lui justifié.