Sagesse 5, 1-23

Justes et impies au Jugement 

Saint Augustin

Réponse aux questions d’un certain Janvier, OC 4, p. 461s

 

Faites attention à ce qu’on lit chez Ben Sira (27,11) : Le sage demeure comme le soleil, mais l’insensé change comme la lune. Quel est ce sage qui demeure comme le soleil, sinon ce soleil de justice dont il est dit : Le soleil de justice s’est levé pour moi, soleil que les impies ne verront pas se lever pour eux, car au dernier jour, ils s’écriront en gémissant : La lumière de la justice n’a pas lui pour nous ; pour nous, le soleil de la justice ne s’est pas levé. Dieu fait lever ce soleil visible aux yeux de la chair sur les bons comme sur les impies, comme il fait pleuvoir sur les justes comme sur les injustes. Il s’élève souvent des similitudes entre les choses visibles et celles qui sont invisibles. Quel est donc cet insensé qui change comme la lune, si ce n’est Adam en qui tous les hommes ont péché ? En effet, l’âme humaine, en s’éloignant du soleil de justice, c’est-à-dire de la contemplation intérieure de l’immuable vérité, tourne peu à peu ses aspirations vers les choses de la terre, et l’obscurité se fait de plus en plus dans ce qu’elle a d’intime, et dans qu’elle a d’élevé. Mais dès qu’elle commence à revenir à l’immuable sagesse, plus elle s’en approche avec amour et piété, plus l’homme extérieur se détruit, et plus l’homme intérieur reçoit de jour en jour une vie nouvelle. Alors toutes les lumières de l’esprit qui étaient tournées vers les choses d’en bas s’élèvent vers les choses du ciel. L’âme se détache de tout ce qui tient à la terre, pour mourir de plus en plus au monde et ensevelir sa vie avec le Christ dans le sein de Dieu.

L’homme devient donc moins bon, moins sage, à mesure qu’il dirige ses pensées vers les choses extérieures, et qu’il rejette en quelque sorte son cœur hors de sa vie, quoiqu’alors il paraisse meilleur à la terre, c’est-à-dire à ceux qui n’ont de goût que pour les choses terrestres, car la terre loue le pécheur et bénit ceux qui font le mal. Au contraire, l’homme devient meilleur lorsqu’il détourne peu à peu ses pensées des choses visibles de ce monde, et qu’il cesse d’y mettre sa gloire, pour tourner toutes les forces de son âme vers ce qu’elle a d’intime et de les élever vers les choses invisibles du ciel. Voilà pourquoi les impies, lors du jugement, dans leur repentir tardif, alors inutile, s’écriront ; Voilà donc ceux que nous avons autrefois tournés en dérision, et qui étaient l’objet de nos outrages ; insensés que nous sommes, nous regardions leur vie comme une folie.