Sagesse 4, 1-20

Le problème de la rétribution  

Chanoine Emile Osty

Bible de Jérusalem, Les livres sapientiaux, Introduction, p. 597s

 

La destinée des individus étant la préoccupation dominante des sages, le problème de la rétribution avait, pour eux, une importance capitale. C’est dans leur milieu et par leur réflexion que la doctrine évolue. Dans les parties anciennes des Proverbes, la sagesse, c’est-à-dire la justice, conduit nécessairement au bonheur, et la folie, c’est-à-dire l’iniquité, mène à la ruine. C’est Dieu qui récompense ainsi les bons et qui punit les impies. Telle est encore la position du prologue des Proverbes. Cette doctrine est alors le fondement de l’enseignement de sagesse et se conclut du gouvernement du monde par un Dieu sage et juste. Elle prétend faire appel à l’expérience, cependant l’expérience la contredit souvent. C’est ce qu’expose d’une manière dramatique le livre de Job, où les trois amis défendent la thèse traditionnelle. Mais, à la question du juste malheureux, il n’y a pas de réponse satisfaisante pour l’esprit, si l’on s’en tient aux rétributions terrestres ; il n’y a qu’à adhérer à Dieu dans la foi, malgré tout. 

Si différent que soit son ton, l’Ecclésiaste ne donne pas une autre solution ; il souligne également l’insuffisance des réponses courantes, il refuse qu’on puisse demander des comptes à Dieu et réclamer le bonheur comme un dû. 

L’ecclésiastique reste fidèle à la même doctrine, il vante le bonheur du sage, mais il est hanté par l’idée de la mort et il sait que tout dépend de cette dernière heure ; il dit qu’il est aisé au Seigneur, au jour de la mort, de rendre à chacun selon ses œuvres. Il pressent la doctrine des fins dernières, mais il ne l’exprime pas clairement. Peu après lui, le prophète Daniel explicitera la foi en une rétribution outre-tombe, et cette foi sera, chez lui, liée en la foi en la résurrection des morts, la pensée hébraïque ne concevant pas une vie de l’esprit séparé de la chair. Dans le Judaïsme alexandrin, le progrès se fera selon une voie parallèle et ira plus avant. La philosophie platonicienne, par sa théorie de l’âme immortelle, ayant libéré la pensée hébraïque de ses entraves, le livre de la Sagesse affirme que Dieu a créé l’homme pour l’immortalité (2,23), et qu’après la mort, l’âme fidèle jouira d’un bonheur sans fin auprès de Dieu tandis que les impies recevront leur châtiment. Au grand problème des sages d’Israël, la réponse est enfin donnée.