Matthieu 24, 37-44

Dieu vient

Saint Augustin

Discours sur les psaumes, tome II, Sur le psaume 36, p. 482s

 

          Le dernier jour qui doit venir avec ses terreurs, voilà ce que craignent d’entendre ceux qui ne cherchent point la sécurité dans une sainte vie, et qui veulent prolonger longtemps leurs désordres. C’est avec raison que Dieu nous a caché ce jour formidable, c’est afin que notre cœur soit toujours prêt  et attende ce qui arrivera : il est certain que ce jour viendra, bien que nous en ignorons le moment. D’ailleurs, notre Seigneur Jésus-Christ, envoyé pour nous instruire, a dit que le Fils de l’homme lui-même ne connaît point ce jour, parce qu’il n’était point dans ses attributions de nous le faire connaître.

            Ce Maître par excellence savait parfaitement enseigner ce qu’il nous fallait savoir, et nous dérober ce qui était nuisible. Dire alors que le Fils de l’homme ignore ce qu’il n’enseigne pas, c’est là une manière de parler, qui signifie qu’il nous le laisse ignorer ; c’est un langage qui nous est ordinaire. Ainsi, nous appelons joyeux le jour qui nous donne de la joie, triste le jour qui vient nous contrister, et froid engourdi, le froid qui nous engourdit. Comme dans ces locutions, un froid est engourdi parce qu’il engourdit, un jour est joyeux parce qu’il nous procure de la joie, de même connaître signifiera Faire connaître. De là, encore, cette parole : Le Seigneur votre Dieu vous éprouve afin de savoir si vous l’aimez. Or, est-ce au Seigneur, au Dieu souverain et véritable, que nous pouvons attribuer l’ignorance ? Ce serait un sacrilège de l’entendre dire : Le Seigneur vous éprouve afin de savoir, comme si la tentation lui apprenait ce qu’il pouvait ignorer auparavant. Que signifie donc : Il vous éprouve afin de savoir, sinon : il vous éprouve afin que vous sachiez ? C’est donc ce sens contraire qui doit régler, pour vous, ces manières de parler ; de même qu’en lisant de la part de Dieu : J’ai compris, vous entendez : je vous ai fait comprendre ; de même quand il est dit que le Fils de l’homme, le Christ, ignore ce jour-là, vous entendez qu’il le laisse ignorer. Mais comment nous le laisse-t-il ignorer ? Il nous le cache afin que nous ne sachions point ce qui ne nous est pas utile de savoir. A quoi tend ce discours ? Puisque nous savons qu’il nous est utile de savoir que le jour du jugement viendra, et qu’il nous est utile encore  d’en ignorer le moment, qu’une vie pure tienne toujours notre cœur préparé. Pour les vrais fidèles, ce jour est un terme ; avant que ce jour n’arrive, il nous est possible de choisir le parti préférable ; lorsqu’il sera venu, il ne sera plus temps. Choisissons donc, tandis que nous le pouvons : c’est par miséricorde que Dieu diffère ce qu’il nous laisse ignorer dans sa miséricorde.