2 Maccabées 6, 18-31

Le rôle exemplaire des martyrs

Christiane Saulnier

Histoire d’Israël, tome 3, p. 127s

 

Ce sont les chrétiens qui ont appliqué le terme de martyr (témoin) à ceux d’entre eux qui acceptaient de mourir plutôt que de renier leur foi. Il peut donc paraître inexact d’appliquer ce mot aux victimes du pouvoir séleucide, néanmoins les premiers Pères de l’Eglise ont volontiers fait référence aux sept frères, voyant en eux les prototypes des martyrs chrétiens. Il faut noter que les païens ont souvent considéré les martyrs comme de dangereux fanatiques, dans la mesure où le monothéisme exclusif. Plus largement, on sait que les auteurs grecs ne se sont pas privés de critiquer les observances juives et de les dénoncer comme absurdes. C’est en fonction de cela que s’expliquent les longs développements des livres des Maccabées.

Le vieillard Eléazar cherche à démontrer le bien-fondé de la Loi : la Torah n’est pas contraire à la raison puisqu’elle engage à contrôler ses désirs et à endurer toutes les peines. Cette maîtrise des passions correspond à l’encratisme (l’empire sur soi) préconisé par les philosophes grecs. Par cet artifice, l’auteur amène le lecteur à découvrir que la Loi est rationnelle ; d’ailleurs la mère des sept frères prouve par son abnégation que la religion et la raison lui sont plus chères que ses propres enfants.

Le témoignage donné alors par les martyrs est un exemple pour le peuple. Ainsi, aux amis qui lui conseillent de se faire apporter des mets conformes aux prescriptions de la Torah tout en feignant de participer aux repas rituels des païens, Eléazar répond : A notre âge, il ne convient pas de feindre de peur que nombre de jeunes ne s’égarent eux aussi à cause de la dissimulation. Cette remarque a valeur de paradigme et sous-entend la polémique suivante : puisque les dieux grecs sont des idoles sans puissance réelle, le culte qu’on leur voue n’aucune valeur, on peut donc sans inconvénient prétendre les honorer par conformisme social, tout en opérant une restriction mentale pour respecter la loi mosaïque. 

En outre le martyr joue le rôle d’intercesseur, si l’on en juge par la remarque de l’un des frères qui s’adresse au souverain en disant : Nous autres, nous souffrons à cause de nos propres péchés. Si, pour notre châtiment et notre correction, notre Seigneur, qui est vivant, s’est courroucé un moment, il se réconciliera de nouveau avec ses serviteurs. Ceux qui endurent le martyre sont justement ceux qui n’ont pas enfreint la Loi ; le jeune homme accepte donc implicitement d’assumer une faute collective. Le témoignage correspond alors à une décision personnelle, mais prend également en compte les péchés des autres, dans le châtiment envoyé par Dieu sur l’ensemble du peuple.