Sagesse 18,1-15a + 19,4-9

Dom Thierry Maertens

L’éloge des Pères, p. 81s

 

L’amitié de Dieu pour Moïse fut telle que la tradition judaïque n’hésitera pas à représenter Moïse mourant dans un baiser à Dieu. En effet, Moïse, aidé par Dieu, réussit à faire quitter l’Egypte au peuple ; Moïse jouit d’une série de privilèges : la tradition lui décerna le titre de Bien-Aimé de Dieu.

Il semble qu’on soit ici en présence d’un titre royal qui n’aurait été étendu à Moïse qu’après la disparition de la dynastie royale ; le cérémonial d’intronisation des rois prévoyait la reconnaissance du nouveau roi par Dieu et son adoption divine : J’énoncerai le décret du Seigneur : il m’a dit : Tu es mon Fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré. Lorsque le messianisme commença à naître après l’exil, le futur roi du peuple nouveau prit tout normalement le titre de Bien-Aimé. Une enquête dans les documents du Judaïsme confirme cette présentation du Messie sous les traits d’un Bien-Aimé ; les récits évangéliques confirment ce courant en appliquant ce titre au Christ lors de son baptême : Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé qui a toute ma faveur.

Moïse, après Abraham, a reçu ce titre de BienAimé, étant figure du Messie qu’on attendait. Effectivement, le salut qu’opérera le Messie se situe dans le cadre d’un nouvel Exode, à la suite d’un nouveau Moïse. Les communautés monastiques qui précèdent de peu la venue du Christ vont dans le désert pour se préparer à y trouver le Messie sous les traits de Moïse. Aussi faudra-t-il que Jésus, après avoir multiplié les pains en relation explicite avec le don de la manne par Moïse, s’échappe de la foule qui le reconnaît comme le nouveau prophète, le nouveau Moïse, et veut le proclamer Messie.

Dans la mesure où le judaïsme s’est rendu compte que le Messie serait un personnage souffrant en expiation des péchés du peuple, c’est encore à Moïse, par l’intermédiaire du Serviteur souffrant d’Isaïe, qu’il se réfère. Dans le discours tenu à ses compatriotes, le diacre Etienne, en rappelant les souffrances de Moïse, prend plaisir à sous-entendre qu’elles sont celles du Messie. Le Messie d’ailleurs échappe à un massacre des innocents en tous points semblable à celui que la tradition juive avait forgé autour de la naissance de Moïse ; Hérode n’est pas moins hostile que Pharaon, l’un et l’autre consultent des astrologues, portent la décision d’exterminer des innocents : Moïse et le Messie échappent au massacre et l’ange qui annonce la libération parle à Joseph dans les mêmes termes qu’à Moïse. 

Figure du Messie royal par son titre de BienAimé, figure du Messie souffrant, Moïse est la figure du Messie pascal : Frères, nos pères ont tous traversé la mer, ils ont tous été baptisé en Moïse dans la nuée et dans la mer.