Isaïe 40, 12-18 + 21-31

Le Seigneur de tous les dieux du ciel et de la terre

Saint Augustin

Lettre 120 à Consentius, OC 5, p. 79s

 

               Pour vous, priez Dieu fortement et fidèlement de vous donner la grâce de comprendre, afin que les enseignements qui vous seront donnés par la bouche d’un maître et d’un docteur, puissent vous être profitables. Car celui qui plante n’est rien, ni celui qui nous arrose, mais c’est Dieu seul qui donne l’accroissement, dit saint Paul aux Corinthiens. Quand nous disons avec l’évangéliste Matthieu : Notre Père qui es aux cieux, ce n’est pas parce qu’il est ici et non là, lui qui est tout entier partout, et qui remplit tout de sa présence incorporelle. Mais ce que nous voulons dire par ces paroles, c’est qu’il habite en ceux dont il soutient la piété, et ceux-là surtout sont dans les cieux. C’est, en effet, déjà là que nous habitons et que nous conversons, si c’est avec vérité que, dans la célébration des mystères, notre bouche répond que notre cœur est en haut. Quand bien même nous entendrions, dans un sens charnel, ce passage d’Isaïe : Le ciel est mon trône et la terre l’escabeau de mes pieds, nous devrions cependant croire que Dieu est ici et là, bien que, selon ces paroles, il ne soit ni tout entier sur la terre, puisqu’il n’y aurait que ses pieds, ni tout entier au ciel, puisqu’il n’y aurait que la partie supérieure de son corps. Nous devons également repousser toute pensée charnelle pour comprendre cet autre passage, toujours du prophète Isaïe : C’est lui qui a mesuré le ciel avec sa main, et la terre avec ses doigts. Qui pourrait, en effet, s’asseoir sur sa main et poser ses pieds dans un espace aussi petit que celui qui peut tenir entre ses doigts ? A moins que notre imagination charnelle n’aille, non seulement jusqu’à donner à Dieu des membres humains, mais encore à lui supposer une forme monstrueuse dans laquelle la paume de sa main serait plus large que ses reins, et ses doigts plus étendus que le creux de ses deux mains ensemble ? La contradiction qui règne dans ces paroles, à les prendre dans un sens charnel, nous avertit de comprendre les choses spirituelles autrement que la bouche ne saurait les exprimer.