Matthieu 1, 1-17

La généalogie de Jésus

Père Michel Quesnel

Jésus Christ selon saint Matthieu, p. 25s

 

               D’Abraham à Jésus, Matthieu nomme trois fois quatorze générations, devant d’ailleurs, pour aboutir à ce nombre symbolique, imposer quelques entorses à l’histoire. Dans la liste des ancêtres de Joseph, il donne à David un relief particulier puisque, seul, il est appelé le roi David, alors que beaucoup d’autres rois de Jérusalem descendant de lui sont nommés dans le texte. David et Jésus sont donc bien les principaux personnages de la page qui ouvre l’évangile de Matthieu, l’un comme ancêtre, l’autre comme aboutissement.

               Outre les hommes qui constituent dans le judaïsme du Ier siècle, le chainon majeur de la lignée, la généalogie matthéenne nomme quatre femmes : Thamar, belle fille du patriarche Juda, qui eut quatre enfants de son beau-père, Rahab, la prostituée de Jéricho qui s’unit au juif Salmon, Ruth, la moabite, épouse de Booz, et la femme d’Urie, le Hittite, avec laquelle David commit l’adultère avant d’organiser le meurtre de son mari. Chacun sait que cette dernière s’appelait Bethsabée, mais le texte de Matthieu ne donne pas son nom. Pourquoi ces quatre femmes dans une longue liste de noms masculins ?

               Cherchons à cerner la particularité de chacune : Thamar l’incestueuse, Rahab la prostituée, Ruth l’étrangère, Bethsabée la femme adultère. Le texte soulignerait-il alors les nombreuses anomalies conjugales dans les générations qui vont d’Abraham à Joseph ? Les origines de Jésus préfiguraient-elles la longue liste des exclus de la loi juive qui se laisseront toucher par l’Evangile ? Veut-il insister au contraire sur les imperfections de la filiation davidique pour dire que Jésus n’en fait pas vraiment partie, n’étant pas le fils de Joseph, ou pour dire que le titre de fils de David ne le désigne qu’imparfaitement ?

               On le voit, la généalogie matthéenne est un texte difficile à interpréter. En même temps qu’elle justifie le titre de fils de David appliqué à Jésus, elle semble le contester ou en dire au moins les insuffisances.