Matthieu 1, 18-24

L’annonce à Joseph

Père Xavier Léon-Dufour

L’évangile selon saint Matthieu, p. 22s

 

               Ce récit raconte simultanément l’anxiété de Joseph, la conception virginale de Jésus, l’apparition de l’ange à Joseph, et l’imposition du nom de Jésus par Joseph. Ce récit est manifestement relié à la généalogie précédente par le mot charnière genesis (Genèse), et non gennèsis avec deux n (engendrement) : telle est concrètement la genèse de Jésus-Christ, comment il entra dans la lignée de David. Voilà qui nous oriente pour l’interprétation du récit : il ne vise pas à donner un enseignement sur la conception virginale de Jésus, mais sur le rôle qu’a joué Joseph dans cette aventure. Le message de l’ange, la prophétie, et la narration finale se correspondent et présentent tous trois le même événement : un nom est donné par l’enfant qui va naître. En accueillant Marie et le fruit de ses entrailles, Joseph fait entrer l’enfant divin dans la lignée de David : il l’adopte légalement en lui imposant le nom désigné par l’ange.

               Pour caractériser brièvement ce chapitre premier : il ne manifeste aucun intérêt biographique immédiat ; il ne fournit pas de points de repère dans l’espace, ni le temps. Il suffit de relire la présentation de Luc pour que ces particularités sautent aux yeux : la différence est considérable ! Ce qui prime ici, c’est l’intérêt doctrinal. Il s’agit de montrer que Jésus-Christ, celui en qui nous croyons, a été vraiment inséré dans la lignée davidique royale, non seulement par une démonstration juridique, mais aussi par une intervention divine, dans le cours de l’histoire d’Israël, en la personne Joseph, authentique descendant de David. Ce chapitre suppose évidemment la foi en la conception virginale, mais il ne s’y limite pas ; il est centré sur Joseph, c’est-à-dire sur Israël selon la chair, qui accueille le fruit de l’Esprit-Saint dans la lignée davidique.

               C’est une théologie de l’Incarnation qui nous est ici proposée. Saint Jean parlera du Verbe qui devint chair ; saint Matthieu manifeste davantage la dimension historique du Verbe : ce n’est pas simplement une chair que le Fils de Dieu est venu assumer, c’est la chair de Marie, avec sa dimension individuelle sur laquelle insistera Luc, c’est aussi la chair de tout Israël, avec sa dimension universelle, en la personne de Joseph. Désormais, l’histoire sainte devient l’histoire de Dieu devenu petit israélite, héritier de David, héritier des promesses faites aux pères dans la foi.