Luc 1, 5-25

La conception de Jean

Saint Augustin

Sermon 289, OC 18, p. 487s, Homéliaire patristique, Lex Orandi 8, p. 333s

 

               L’évangile de ce jour nous rappelle la conception et la naissance miraculeuses de Jean Baptiste. Voilà un grand mystère, frères : la mère de Jean était stérile et vieille, son père âgé, l’un comme l’autre n’espéraient plus avoir d’enfants. Mai rien n’est impossible à Dieu : à l’incrédule, il promit un fils. Le psalmiste avait déjà écrit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé ! Aussi le père, pour avoir douté, fût-il privé de l’usage de la parole : n’ayant point cru, il ne parla point.

                  Entre temps, miracle sublime et de loin plus remarquable, la Vierge avait aussi conçu. Une femme stérile conçoit le héraut, une Vierge le Juge. Jean naît d’un homme et d’une femme, le Christ d’une femme seule. Loin de nous la pensée de comparer Jean au Christ ! Mais ce n’est pas pour rien que la grandeur de l’un précéda la grandeur de l’autre.

                  Elisabeth a conçu un homme, Marie un homme aussi. Elisabeth, la mère de Jean ; Marie, la mère du Christ ! Mais Elisabeth n’enfanta qu’un homme, tandis que le fils de Marie était Dieu et homme. C’est une chose étonnante que la créature ait pu concevoir le Créateur. Notre première chute eut lieu quand la femme conçut en son cœur le venin du serpent, il n’est pas surprenant que nous devions notre salut à celle qui conçut en son sein la chair du Tout-Puissant. L’homme et la femme étaient tombés tous deux, il fallait les relever tous deux ; mais une femme nous ayant précipité dans la mort, c’est une femme qui nous rendit la vie.

                  Mais que vient faire Jean dans tout cela ? Pourquoi intervient-il ? Pourquoi est-il envoyé en avant ? Notre Seigneur a dit : Parmi les enfants des femmes, personne n’a été suscité qui fût plus grand que Jean-Baptiste. Si l’on compare Jean aux autres hommes, il les domine tous, et seul l’Homme-Dieu l’emporte sur lui. Jean est envoyé devant le Seigneur. Or il y avait en lui une telle grâce, une telle supériorité, qu’on le prenait pour le Christ.  Car les Juifs attendaient le Christ, leurs prophètes l’avaient annoncé, ils lisaient les prophéties ; absent, ils l’attendaient, présent, ils l’ont assassiné. Et pour n’avoir pas cru qu’il était le Christ, ils passèrent et Lui resta.

                  Le plus grand des hommes a donc été envoyé pour rendre témoignage à Celui qui est plus qu’un homme ; Jean est homme, le Christ est Dieu. L’homme est humilié, Dieu est exalté. Pour remarquer cette humiliation de l’homme, Jean est né au solstice d’été, quand les jours commencent à décroître, tandis que Dieu, pour son exaltation, naît au solstice d’hiver quand les jours commencent à grandir. Frères, sachons nous diminuer dans notre humanité, nous grandir en Dieu ; nous humilier en nous-mêmes pour nous exalter en lui.