Isaïe 34, 1-17

La fin d’Edom

Père Jean Steinmann

Le prophète Isaïe, sa vie, son œuvre et son temps, p. 325s

 

          Pour excuser l’âpreté de ces pages admirables et la haine furieuse qu’elles exhalent à l’endroit d’Edom, il faut se rappeler que les Edomites firent eux-mêmes preuve d’une impitoyable hostilité contre Jérusalem au moment de la catastrophe de 586. Peut-être l’auteur de cet oracle est-il le même que celui qui a écrit le poème précédant contre Babylone.

          Le ton est très apocalyptique. La destruction d’Edom est englobée dans un jugement général des nations. Le spectacle commence par la vue des corps égorgés et sans sépulture qui pourrissent. La nature est bouleversée : les cieux enroulés comme un rouleau de papyrus pour permettre à Dieu, qui siège au-dessus d’eux, de mieux exercer sa colère. Dans cet enroulement des cieux, les astres qui s’y trouvent accrochés tombent comme des feuilles flétries, et, sur l’abîme béant, apparaît l’épée de Dieu. Elle abat ce qui reste des astres, puis tombe sur Edom.

          Et l’hécatombe commence. Dieu ne se contente pas de massacrer ses ennemis, il sacrifie. L’holocauste entraîne l’usage du feu, et c’est pourquoi les torrents se changent en poix, la poussière jaune du désert en soufre. Le souvenir de Sodome est encore là. Mais si le feu monte toujours comme celui d’un volcan, l’image vient peut-être de ce qu’à l’époque, à l’Est d’Edom, en Arabie, il y avait justement des volcans en pleine activité. Les ruines de Bosra, décrites dans les versets 11 à 15 dans les mêmes termes que précédemment les ruines de Babylone, subsistent encore situées à une cinquantaine de kilomètres au sud de la mer Morte.

          Le verset 11b, Dieu étendra sur lui le cordeau du chaos et le niveau de la destruction, est une évocation du chaos primitif. La présence des animaux sauvages dans les palais ruinés a quelque chose de démoniaque : les épines et les ronces, signes de malédiction, les satyres, les chacals, les hyènes, Lilit, le vampire des ruines, les vautours qui se repaissent de charognes donnent à cette page une allure fantastique. Les menaces de ce poème se sont accomplies mot à mot, et l’Idumée n’est plus aujourd’hui qu’un désert.