Luc 1,39-45

La Visitation

Origène

Homélie VII, 3-4 sur saint Luc, SC 87, p. 157s

 

          Lorsqu’Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant qui était dans  son sein tressaillit, et elle fut remplit de l’Esprit-Saint. Si Elisabeth fut remplie du Saint-Esprit, c’est à cause de son fils. Ce n’est pas la mère qui mérita la première le Saint-Esprit, mais lorsque Jean, encore enfermé dans le sein maternel, eut reçu le Saint-Esprit, Elisabeth à son tour fut remplie de l’Esprit-Saint.

            L’enfant tressaillit donc dans le sein d’Elisabeth qui, remplie de l’Esprit-Saint, s’écria d’une voix forte, s’adressant à Marie : Tu es bénie entre les femmes et le fruit de tes entrailles est béni. D’où me vient cette faveur que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? Ces mots : D’où me vient cette faveur ? ne sont pas signe d’ignorance comme si Elisabeth, toute remplie du Saint-Esprit, ne savait pas que la Mère du Seigneur était venue à elle selon la volonté de Dieu. Mais voici le sens de ces paroles : Qu’ai-je fait de bien ? En quoi mes œuvres sont-elles assez importantes pour que la Mère de mon Seigneur vienne me voir ? Suis-je une sainte ? Quelle perfection, quelle fidélité intérieure m’ont mérité cette faveur, une visite de la Mère du Seigneur ? Car ta voix n’a pas plutôt frappé mes oreilles que mon enfant a exulté de joie dans mon sein.

            L’âme du bienheureux Jean était sainte : encore enfermée dans le sein de sa mère et sur le point de venir au monde, elle connaissait celui qu’Israël ignorait. C’est pourquoi Jean exulta, et il ne fit pas qu’exulter, il exulta dans la joie. Il avait perçu que le Seigneur, même avant sa naissance, était venu pour sanctifier son serviteur. Puisse-t-il m’arriver, à moi qui ai foi en de tels mystères, d’être traité de fou par les incroyants ! Les faits eux-mêmes et la vérité m’ont montré clairement que j’ai cru, non à une folie, mais à une sagesse, parce que ce qui est estimé folie par ces gens-là est pour moi occasion de salut. Si la naissance du Seigneur n’avait pas été toute céleste et bienheureuse, si elle n’avait rien eu de divin et de supérieur à la nature humaine, jamais sa doctrine ne se serait répandue sur la terre. Si, dans le sein de la Vierge Marie, il n’y avait eu qu’un homme et non le Fils de Dieu, comment pourraient être guéries, au temps du Christ comme de nos jours, des maladies physiques et spirituelles ? N’avons-nous jamais été insensés, nous qui, aujourd’hui, par la miséricorde divine, avons l’intelligence et la connaissance de Dieu ? N’avons-nous jamais manqué de foi en la Justice, nous qui, aujourd’hui, à cause du Christ, possédons et suivons la Justice ? N’avons-nous jamais été dans l’erreur et l’égarement, nous qui, aujourd’hui, par la venue du Seigneur, ne connaissons plus ni hésitation ni trouble, mais sommes sur le chemin, c’est-à-dire en Jésus qui a dit : Je suis le chemin ?