Ruth  2, 14-23

« Il est de ceux qui ont sur nous droit de rachat »

Père Jean-Pierre Sonnet

A l’ombre de ses ailes, Le livre de Ruth, p. 106s

 

           La révélation de Noémi, il est Goël, de ceux qui ont sur nous droit de rachat, est une surprise narrative. La surprise est habillement préparée : en présentant Booz, le narrateur s’est limité à dire qu’il était une connaissance, alors qu’il aurait pu en révéler d’emblée son identité de goël. Si Booz a manifesté tant d’intérêt à l’égard de Ruth, celle qui est revenue avec Noémi de la campagne de Moab, c’est donc aussi en raison du rôle social qu’il remplit à l’égard de Noémi.

          Noémi a appelé la bénédiction sur le bienfaiteur de Ruth avant d’en connaître le nom. Du coup, elle le déclare d’autant plus béni lorsqu’elle en connaît le nom. Au seuil de l’épisode du champ, les moissonneurs avaient appelé la bénédiction de Dieu sur Booz : Que Dieu te bénisse ! Voilà que le vœu se trouve accompli, du moins dans l’exclamation de Noémi.

          Les deux manques auxquels Noémi et Ruth étaient confrontés au début du chapitre étaient le manque de pain et celui d’un soutien familial. En l’espace d’un chapitre, la double quête a convergé vers un personnage surgi providentiellement dans le champ des possibles : Booz, proche parent de Noémi, et donc de Ruth. Si Booz multiplie les attentions à l’égard de Ruth, et assure aux deux femmes les vivres qui leur sont nécessaires, il étonne aussi par son inactivité finale. Telle est du moins l’impression que laisse le dernier verset de ce chapitre

          Ce dernier verset ressaisit en quelque mots un laps de temps prolongé : nous apprenons que Ruth travailla aux côtés des servantes de Booz le temps de deux récoltes : la récolte de l’orge, fin avril, et celle du froment, mi-juin ; ces deux récoltes assurent certes aux deux veuves une certaines sécurité alimentaire pour l’avenir, mais rien de concret ne se profile. Toujours est-il que le tableau final qui décrit Ruth séjournant auprès de sa belle-mère laisse le lecteur pantois ! Le premier acte s’est terminé sur un verbe dynamique, et elle revint ; par contre le deuxième acte, où les initiatives et les péripéties n’ont pas manqué, se termine sur un verbe statique, elle resta assise avec sa belle-mère. Une certaine interrogation se glisse dans l’esprit du lecteur comme elle a dû se glisser dans l’esprit des deux femmes : pourquoi les choses ne bougent-elles pas ?