Galates 1, 11-24

La lumière de Damas

Victor Hugo

William Shakespeare, p. 53s

 

          Paul, saint pour l’Eglise, pour l’humanité grand, représente ce prodige à la fois divin et humain, la conversion. Il est celui auquel l’avenir est apparu. Il en reste hagard, et rien n’est superbe comme cette face à jamais étonnée du vaincu de la lumière. Paul, né pharisien, avait été tisseur de poils de chameau pour les tentes et domestique d’un des juges de Jésus-Christ, Gamaliel. Puis les scribes l’avaient élevé, le trouvant féroce. Il était l’homme du passé, il avait gardé les manteaux des jeteurs de pierres, il aspirait, ayant étudié avec les prêtres, à devenir bourreau. Il était en route pour cela ; tout à coup un flot d’aurore sort de l’ombre et le jette à bas de son cheval, et désormais il y aura dans l’histoire du genre humain cette chose admirable, le chemin de Damas.

          Ce jour de la métamorphose de saint Paul est un grand jour, retenez cette date, elle correspond au 25 janvier de notre année grégorienne. Le chemin de Damas est nécessaire à la marche du progrès. Tomber dans la vérité et se relever homme juste, une chute transfiguration, cela est sublime. C’est l’histoire de saint Paul. A partir de saint Paul, ce sera l’histoire de l’humanité. Le coup de lumière est plus qu’un coup de foudre. Le progrès se fera par une série d’éblouissements. Quant à ce Paul, qui a été renversé par la force de la conviction nouvelle, cette brusquerie d’en-haut lui ouvre le génie. Une fois remis sur pied, le voici en marche, il ne s’arrêtera plus. En avant ! C’est là son cri.

          Le grandissement d’un esprit par l’irruption de la clarté, la beauté de la violence faite par la vérité à une âme éclate dans ce personnage. C’est là, insistons-y, la vertu du chemin de Damas. Désormais, quiconque voudra de cette croissance-là suivra le doigt indicateur de saint Paul. Tous ceux auxquels se révèlera la justice, tous les aveuglements désireux du jour, toutes les cataractes souhaitant guérir, tous les chercheurs de conviction, tous les grands aventuriers de la vertu, tous les serviteurs du bien en quête du vrai, iront de ce côté ; la lumière qu’ils y trouveront changera de nature, car la lumière est toujours relative aux ténèbres ; elle croîtra en intensité ; après avoir été la révélation, elle sera toujours la lumière. Le chemin de Damas sera à jamais le passage des grands esprits, il sera aussi le passage des peuples.