Romains 9, 1-18

Combat entre l’orgueil et l’humilité

Saint François de Sales

De la vie parfaite, p. 70s

 

L’homme est tant sujet à l’orgueil et à la présomption, qu’on peut lui appliquer ce qu’Aristote, cet ancien philosophe, dit du cheval, à savoir qu’il n’y a rien de si orgueilleux. 

Au contraire, l’humilité est une parfaite connaissance que nous ne sommes rien qu’un pur néant, et elle nous fait tenir en cette estime de nous-mêmes. Le vrai humble ne regarde jamais les dignités, les grandeurs, les charges auxquelles il est élevé ; il ne veut point qu’on fasse état de lui pour toutes ces choses, ni qu’on l’en estime davantage. Bienheureuses donc sont les âmes humbles d’une humilité vraie ; car, tant de révérence qu’il vous plaira, tant de paroles d’humilité que vous voudrez, tout cela est peu de choses si vous n’avez au cœur l’humilité vraie et sincère, qui vous fasse connaître votre vileté, vos misères, défauts et imperfections, vous reconnaissant la plus misérable de toutes les créatures et vous soumettant de bon cœur à toutes pour l’amour de Notre Seigneur.

L’humilité est la vertu des vertus puisqu’elle attire et conserve les autres en l’âme et spécialement la charité, car ces deux vertus sont indivisibles : l’humilité ne pouvant permettre que l’on est mauvaise opinion de personne que de nous-mêmes. Si vous me dites que vous avez la charité, et que vous n’avez pas l’humilité, je répondrai que vous mentez ; si vous assurez que vous avez l’humilité et que vous n’avez pas la charité, vous ne dites rien qui vaille. Plusieurs parlent de l’humilité et des autres vertus, mais fort peu savent en quoi elles consistent pratiquement. Je voudrais que ceux qui en parlent et les prêchent s’étudient à les pratiquer, et pas seulement à les expliquer. Notre Seigneur fait si grand cas de l’humilité qu’il ne fait point de difficulté de permettre que nous tombions dans le péché, afin d’en tirer la sainte humilité. Je vous souhaite donc, sur toute perfection, celle de l’humilité, qui est non seulement charitable, mais douce et maniable ; car la charité est une humilité montante, et l’humilité est une charité descendante. Je vous aime mieux avec plus d’humilité et moins d’autres perfections qu’avec plus d’autres perfections et moins d’humilité.