Matthieu 4, 12-23

« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est là »

Dom Marc-François Lacan

La conversion dans les évangiles synoptiques, LV 47, 1960, p. 36s

 

Chez Matthieu, Jésus se définit lui-même comme un modèle en disant à ses disciples : Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur. A l’aube de sa vie publique, n’a-t-il pas donné un exemple lumineux de cette humilité en recevant le baptême proposé par Jean. Jean proteste, car c’est là renverser les rôles. Jésus affirme alors que c’est pour cela qu’il s’est humilié en prenant notre condition, c’est pour cela qu’il s’humiliera davantage dans sa passion où il prendra sur lui nos péchés, et nous rendra justes. Son baptême est le symbole de la passion par laquelle sera accomplie la justice. 

Pour être humble comme le Seigneur, l’homme doit changer pour devenir comme un enfant (18,3). Telle est la conversion à faire, conversion qui n’est pas un acte à poser une fois pour toutes. Une fois devenu enfant, il faut le rester. Devenir enfant, c’est devenir pauvre spirituellement, c’est devenir affamé et assoiffé de justice. Ce n’est pas là une attitude inerte, c’est un élan humble et confiant qu’on doit renouveler, élan qui résulte du sens de notre impuissance à y répondre.

Devenir enfant, c’est reconnaître notre impuissance et, par là même, nous ouvrir à la grâce qui nous rendra capables de répondre à notre vocation, de parvenir à la vraie justice en accomplissant la volonté du Père qui est aux cieux. Cette volonté, c’est que nous soyons parfaits comme le Père céleste est parfait. Quelle transformation cela suppose ! On comprend pourquoi la conversion doit être incessante. Mais le but de cette conversion, ce n’est pas notre perfection ; l’âme de cette conversion, c’est la recherche de la gloire de Dieu, c’est le désir de faire glorifier par tous les hommes le Père qui est dans les cieux. L’humilité et l’amour se confondent ici dans l’attitude filiale qui est le fruit d’une conversion permanente et la perfection de la justice chrétienne.

Cette conversion permanente va se manifester dans nos rapports avec notre prochain. Etre parfait comme le Père, c’est être miséricordieux comme lui. La Béatitude des miséricordieux s’enchaîne à celle des assoiffés de Justice ; les miséricordieux coopèrent à l’avènement de la justice dont ils ont soif, de la justice qui consiste dans la glorification du Père et l’établissement de son règne, objet primordial de leur prière. Les miséricordieux révèlent en effet le visage de leur Père, mais leur conduite suppose un retournement de la conception humaine de la justice. 

Toute la vie chrétienne est une conversion ; sans conversion, nous ne pouvons pas être les témoins de la miséricorde du Père. Le sommeil spirituel dans lequel tombent les satisfaits est une tentation permanente si on ne suit pas le conseil de Jésus : Veillez et priez.