Matthieu 5, 13-16

« Vous êtes sel de la terre, vous êtes lumière du monde »

Saint Augustin

Sermon sur la montagne, Livre I, chap. 6, 16, OC 9, p. 30s

 

          Vous êtes le sel de la terre, dit le Seigneur. Par là, il nous enseigne qu’il faut regarder comme des insensés ceux qui, en cherchant à jouir ou en craignant d’être privés des biens de ce temps, perdent les biens éternels que les hommes ne peuvent ni donner, ni enlever. Si donc le sel perd sa force, avec quoi va-t-on saler ? Si vous qui devez être l’assaisonnement des peuples, vous perdez le royaume des cieux par la crainte des persécutions temporelles, quels seront les hommes qui pourront vous guérir de vos erreurs, puisque c’est vous que Dieu a choisis pour corriger les erreurs des autres ? Alors le sel affadi n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds. Or, ce n’est pas celui qui souffre persécution qui est foulé aux pieds par les hommes, mais celui à qui la crainte de la persécution fait perdre sa force. On ne peut être foulé aux pieds que lorsqu’on est à terre ; or, on n’est jamais à terre, lorsque, par le cœur, on habite le ciel.

          Vous êtes la lumière du monde. C’est le même sens que précédemment. Pour le Seigneur, le monde dont il parle, ce sont les hommes qui habitent cette terre, tous les hommes, même les pécheurs dont la corruption doit être comme assaisonnée et absorbée par le sel apostolique. Par ce monde, il faut entendre tous les habitants que les apôtres sont appelés à éclairer : Une ville située sur une montagne ne peut être cachée, c’est-à-dire assise sur une justice éminente, parfaite, figurée par la montagne du haut de laquelle Notre Seigneur fait entendre sa parole. Et on n’allume point une lampe  pour la mettre sur le boisseau. Quel est le sens de cette parole, sous le boisseau ? Signifie-t-elle seulement qu’il ne faut pas cacher cette lampe comme si Notre Seigneur voulait dire : Personne n’allume une lampe pour la cacher ? Placer une lampe sous le boisseau, ne serait-ce pas préférer les avantages temporels à la prédication de la Vérité ? On place une lampe sous le boisseau toutes les fois qu’on obscurcit, qu’on voile la lumière d’une saine doctrine sous les nuages des biens temporels. La lumière, on la place sur le chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison, dans le monde : ainsi la prédication de la vérité peut occuper la première place. Vous êtes la lumière du monde : la raison ne s’oppose point à ce que, par cette maison, on entende l’Eglise.