Matthieu 5, 38-48

Rester bon avec l’homme en colère

Saint Pierre Chrysologue

Loi du talion et pardon, PdF 30, p. 45s

 

          Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens. A quels anciens ? Les Juifs, à coup sûr, eux que la malice, plus que l’âge, avait fait anciens, eux qu’un furieux désir de vengeance possédait au point qu’ils réclamaient la tête pour un œil, la vie pour une dent. C’est pourquoi la loi les réfrénait, les invitant à ne rendre que la pareille, eux qui n’étaient pas capables de pardonner, mais seulement de se venger : on n’exigerait jamais au-delà du dommage causé par le furieux. Cela donc concerne les anciens.

          Mais à nous, rénovés par la grâce, écoutons ce que commande la bonté de Dieu : Et moi, je vous dis… A qui ? Aux chrétiens bien sûr : Ne résistez pas aux méchants. Lorsqu’il parle ainsi, il veut que nous ne payions pas le mal par le mal, mais que nous le dépassions par des actes de vertu, que nous n’éteignons pas la colère quand elle est encore à l’état d’étincelles, car si on la laissait se développer jusqu’à l’incendie de la fureur, elle ne pourrait se calmer qu’en répandant le sang. La colère est vaincue par la douceur, la fureur ne s’éteint que si on l’apprivoise, la méchanceté est amadouée par la bonté, la cruauté demande encore plus de bonté pour être vaincue, la patience punit l’impatience, contre l’entêtement le silence convient, l’humilité terrasse l’orgueil.

          Frères, celui qui veut surmonter de mauvais procédés, qu’il saisisse les armes de la bonté plutôt que celles de la fureur. Bien sûr, on peut rendre évident à un sage ce qu’enseignent les rudiments du christianisme contre les injustes. Mais ce point de vertu, de degré de bonté, ce sommet de bienveillance, il ne va pas le saisir. Il est d’une philosophie divine et non humaine de ne pas résister au méchant, mais de vaincre le mal par le bien, de bénir celui qui maudit, de ne pas refuser à celui qui nous frappe la permission de recommencer, de laisser prendre le manteau à celui qui a pris la tunique, à celui qui vous a volé de lui laisser sa proie ; à qui vous a requis pour mille pas, d’en ajouter encore deux mille de votre plein gré. Car il faut que la volonté libre l’emporte sur la contrainte, la piété sur l’impiété ; et la vertu de piété doit commander aussi impérieusement que la force qui contraint. Oui, le christianisme enseigne tout cela et le soldat du Christ doit être affermi dans sa vertu contre les violences. Pourtant, pour que ces enseignements soient plus clairs, cherchons davantage. Pourquoi sont-ce des commandements ?