Deutéronome 1, 6-18

Moïse, homme de son peuple

Père Henri Cazelles

Spiritualité de Moïse, VS 74, 1946, p. 411s

 

          Moïse est un homme de son peuple ; cet homme de l’Esprit est aussi un conducteur d’hommes. Cela n’est pas donné à tous. Dans sa prière, il a peut-être atteint une haute contemplation divine ; mais, ce qui compte le plus chez lui, c’est l’activité qu’il dépense au service des tribus dont l’ensemble forme le peuple de Dieu encore inorganisé. De ce ramassis plus soucieux des oignons d’Egypte, de ses melons et de ses viandes, que de ses traditions et de son Dieu, Moïse doit faire un peuple de Dieu. Il doit faire un peuple qui obéisse à un Dieu purement spirituel, moral et transcendant. Telle est la tâche à laquelle il est maintenant attelé.

          Tout d’abord, il doit le faire vivre. C’est à lui qu’incombe la charge de lui procurer l’eau indispensable, de purifier celle-ci lorsqu’elle s’avère imbuvable au campement. C’est à lui qu’on s’en prend de n’avoir plus de viande dans ce désert. Le peuple gémit et s’irrite ; heureusement, Dieu est avec Moïse ! De plus, ce chef doit dirimer les conflits, trancher les procès, juger les différents. Que d’heures il y consacre avec le haut sentiment de sa responsabilité. Docile aux conseils de sagesse, Moïse les accepte sans demander de lumières directes d’En-Haut lorsqu’ils lui paraissent judicieux.

          Mais ce n’est pas tout que de le faire vivre, il faut encore lui apprendre à vivre, il faut le moraliser. Le dessein de Dieu est d’en faire des hommes et des femmes vivant en société avec lui. Nous sommes à l’amorce de cette longue histoire d’Israël qui s’achèvera à la Cène et se poursuivra toute la vie de l’Eglise. Dieu veut être connu et aimé, c’est pour cela qu’il s’est choisi un peuple qui doit être un peuple saint comme Dieu lui-même est saint. Comment spiritualiser ce peuple charnel ?

          C’est Dieu lui-même qui va en poser les fondements, Moïse ne sera que le médiateur. Il sera le médiateur d’une Alliance qui va unir Dieu et son peuple selon le même rite qui unissait entre elles les tribus du désert. Cette Alliance sera fondée sur un pacte où seront précisées les obligations d’Israël. S’il y obéit, et seulement s’il y obéit, Dieu se conduira envers lui comme un Dieu protecteur auquel rien ne résiste. C’est sur le mont Sinaï que Dieu va donner à son peuple la Loi, les dix commandements, lesquels doivent faire d’Israël un peuple moral et saint. En respectant les obligations de cette Loi, le peuple pourra plaire à son Dieu et obtenir ainsi son appui.