1 Corinthiens 2, 1-16

«  Nous avons, nous, la pensée du Seigneur »

Guillaume de Saint-Thierry

Lettre aux frères du Mont-Dieu, Lettre d’or, SC 223, p. 343s

 

          Quand on pense aux choses de Dieu, aux choses qui élèvent vers Dieu, la volonté fait un pas de plus et se mue en amour. Alors, par la voie de l’amour, l’Esprit-Saint pénètre, et lui, qui est Esprit de vie, vivifie toutes choses, aidant pour l’oraison, pour la méditation, pour l’étude, la faiblesse de celui qui pense à Lui. Sous cette mouvance, la mémoire devient sagesse quand elle savoure les biens du Seigneur. Et tout ce qu’elle a pensé de ces biens, elle l’apporte à l’intelligence pour le transformer en amour. L’intelligence du pensant devient contemplation de l’aimant ; des expériences de la douceur divine et spirituelle prennent forme et frappe le regard de l’esprit qui pense ; et ce regard devient béatitude de l’homme qui jouit enfin de son Dieu.

          Alors, on pense de Dieu comme il faut en penser, à la mesure humaine, si du moins il y a lieu de parler de pensée ici, alors qu’on ne pense rien, ne médite rien, mais que seulement on exulte et jubile dans la mémoire de l’abondance et de la douceur de Dieu, et qu’un juste sentiment du Seigneur, dans sa bonté, s’établit en celui qui l’a cherché dans cette simplicité de cœur.

          Mais cette manière de penser Dieu n’est pas au libre choix de celui qui pense, elle est au gré de Celui qui donne : elle est donnée quand l’Esprit-Saint, qui souffle où il veut, quand il veut, comme il veut, et vers qui il veut, envoie un souffle qui attire à cette contemplation. Mais il est au pouvoir de l’homme d’y préparer constamment son cœur. Qu’il dégage à cet effet sa volonté des affections étrangères, sa raison, son intelligence, de toute préoccupation, sa mémoire des occupations inutiles ou embarrassantes, voire même des occupations nécessaires. Alors, au jour choisi par le Seigneur et à l’heure de son bon plaisir, à peine aura-t-il entendu le bruit du souffle de l’Esprit, qu’aussitôt les éléments, qui contribuent à former la pensée, se rassembleront d’eux-mêmes, travaillant au bien de ce qui concourt au dessein divin, et formant comme un faisceau, pour la plus grande joie de celui qui pense : la volonté présentant une affection sans mélange pour la joie qui vient du Seigneur, la mémoire une matière fidèle, l’intelligence une expérience pleine de délices.