Romains 16, 1-27

« A Dieu, seul sage, par Jésus-Christ »

Saint Jean Chrysostome

Homélie XXXII sur l’épître aux Romains, OC 19, p. 297s

 

          Qui me donnerait maintenant de pouvoir embrasser de mes lèvres la tombe de Paul, de contempler la poussière de ce corps qui complétait par ses souffrances celles du Christ, ce corps qui dissémina partout la parole évangélique ? Oui, je voudrais voir la poussière de ce corps au moyen duquel il parcourait le monde entier, la poussière de cette bouche par laquelle le Christ parlait, d’où sortait une lumière plus brillante que celle des éclairs, une voix plus terrible aux démons que celle de la foudre, cette bouche qui laissait échapper ce cri sublime : J’appelle sur moi l’anathème, s’il le faut pour le salut de mes frères, cette bouche qui parlait devant des rois et n’était jamais confondue, cette bouche qui nous a révélé Paul et le Maître de Paul. Non, le tonnerre ne nous effraie pas comme cette voix effrayait les démons. Elle traîna des captifs, elle purifia la terre entière, elle fit disparaître les maladies, chassa les vices, ramena la vérité, eut le Christ pour constant auxiliaire et retentit toujours avec son pouvoir. Ce qu’étaient les chérubins, la voix de Paul le fut : de même que le Christ était porté par ces puissances, de même il l’était sur la langue de Paul. Elle était vraiment digne d’être le véhicule du Christ ; elle s’élançait à d’incompréhensibles hauteurs comme les séraphins.

          Et quoi de plus élevé qu’une voix capable de tenir ce langage : Je suis certain que ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni le présent, ni l’avenir, ni le sommet, ni le fond des choses, ni une créature quelconque ne pourront nous séparer de la charité de Dieu, laquelle est dans le Christ Jésus. De combien d’ailes ne vous semble pas pourvue cette voix ? De combien d’yeux ? Oui, je voudrais voir la poussière de cette bouche par laquelle le Christ a fait entendre de grandes et mystérieuses vérités, plus grandes que celles qu’il a dites par lui-même. C’est par cette bouche que l’Esprit a mis l’univers en possession de tant de sublimes oracles. Ce n’est pas la poussière de la bouche seule, c’est aussi celle du cœur que je voudrais voir, de ce cœur qu’on pourrait sans exagérer appeler le cœur du monde, source intarissable de biens, principe et fondement de notre vie, ce cœur d’où jaillissent des fleuves d’eau vive, source arrosant la face de la terre et les âmes mêmes des hommes. Ce cœur vivait de la vie nouvelle, non de celle que nous menons ici-bas, car ce cœur a dit : Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi.