Luc 1, 26-38

L’Annonciation

Père Guillaume de Menthière

Marie de Nazareth, p. 31s

         

          Simplement, au jour dit, l’ange entra. Point d’effraction ou d’effets spéciaux, il entra, tout bonnement. Ce ne fut pas cette intrusion soudaine qui effraya la jeune fille, ce furent les propos du messager céleste : Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. Ces mots lui rappelèrent le chant qu’elle avait souvent entonné au Temple de Jérusalem : Fille de Sion, réjouis-toi, car le Seigneur est en toi, en vaillant Sauveur. Marie connaissait par cœur cet oracle du prophète Sophonie (3,14).

          Elle aimait l’Ecriture qu’elle méditait assidûment et qui nourrissait son âme. Ce qui surprit la Vierge, ce fut l’expression comblée de grâce. Sa mémoire ne parvenait pas à retrouver de quel livre biblique elle pouvait provenir. Il lui semblait ne l’avoir jamais lue, ni entendue auparavant. Alors pourquoi l’ange l’avait-il interpellé par cette formule étrange, comblée de grâce ? N’était-elle pas fille d’Adam, porteuse de la disgrâce du péché ? Ces mots inouïs, comblée de grâce, troublèrent fort l’humble Vierge, bien incapable de comprendre le profond secret dont ils étaient porteurs.

          Ce qui étonna aussi Marie, ce fut la déférence avec laquelle l’ange lui adressa cette salutation. Un ton plein de respect à laquelle la jeune fille n’était guère habituée. Même Joseph, si doux et attentif qu’il fut avec son épouse, n’avait pas ce ton-là quand il lui parlait. Comment ce messager céleste pouvait-il montrer tant d’égards pour cette pauvre créature au fond du village le plus perdu d’Israël ? Comment ce familier du monde divin pouvait-il s’abaisser à ce point ? C’était le monde à l’envers ! Marie en était toute retournée !

          L’ange s’en aperçut-il ? Il entreprit aussitôt de rassurer la Vierge en délivrant son message : Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David, son père et son règne n’aura pas de fin.

          Toute autre que Marie se fût évanouie de crainte, de bonheur, d’incrédulité, de vanité peut-être. Mais l’épouse de Joseph ne prenait pas les paroles de l’ange pour des paroles en l’air. Elle savait qu’il parlait de la part de Dieu, et de tout son cœur elle voulait se conformer à la volonté divine, si déroutante fût-elle.