Jean 17, 1b-11a

« J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donné à faire »

Sous la direction du Père Renaud Silly

Dictionnaire Jésus, Article Pentecôte, p. 822s

 

           De ton sein couleront des fleuves d’eau vive. En citant ainsi l’Ecriture, Jésus désignait l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. L’envoi de l’Esprit par Jésus achève son œuvre. Or une œuvre peut être dite achevée de deux manières. La première, par exemple celle d’un objet inanimé, consiste dans l’établissement définitif dans la forme que son concepteur lui a assignée. La seconde, celle des êtres animés, exige encore qu’ils atteignent leur fin par leur propre mouvement. Cette fin est assignée par la nature pour les végétaux et les animaux. Mais les créatures spirituelles, dont l’homme fait partie, ont la capacité de l’atteindre librement, c’est-à-dire en choisissant de manière autonome. En répandant l’Esprit de Pentecôte, Jésus inscrit, dans les fidèles, la capacité d’élire librement une fin ultime qui n’est autre que Dieu lui-même. L’Esprit de Pentecôte tire l’être du chrétien du côté de son achèvement et de sa finalité. Lorsque l’individu forme des projets, il a présente à l’esprit une certaine idée de ce qu’il veut obtenir. Cette fin poursuivie motive ses efforts, écarte les entraves, mobilise tout son être au service d’un seul but. Il faut noter que même si l’objet, qu’il appelle de ses vœux, n’est pas encore disponible, il existe réellement dans l’effort par lequel il tend vers lui, à titre de fin.

            Lorsque Jésus déclare : J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donné à faire, cela signifie qu’il dépose, au fin fond de ses fidèles, une fin ultime qui n’est autre que Dieu même. Elle, qui commande tout le reste, n’est pas un but, un projet humain, mais l’Esprit Saint en personne. L’Esprit de Pentecôte n’est autre que la demeure de Dieu sous le mode d’un attrait irrésistible qui désapproprie les fidèles du Christ au monde et les fait tendre vers les choses célestes. Le mode dont l’Esprit subsiste est celui de la charité : en rendant l’homme effectivement capable d’aimer Dieu plus que lui-même, la charité permet d’offrir à Dieu un hommage ébloui, entièrement gratuit, décentré de soi. L’Esprit crée une volonté capable de se laisser mouvoir et guider par l’attrait divin. Et puisque Dieu, par nature, est plus aimable que la créature, il n’y a rien de si libérateur et de si magnanime que l’amour de charité dont on préfère Dieu à soi-même. Cet attrait libère, car il relativise et soumet les passions, il est magnanime, car il fait tendre vers le bien le plus parfait, Dieu en personne. Lorsque les disciples reçoivent cet Esprit, ils sont comme ivres, parce qu’ils n’appartiennent plus à eux-mêmes. Mais la sobre ivresse de la Pentecôte fait passer sous la conduite de l’Esprit de Dieu. Alors, on éprouve que l’on est éternel. Le monde, l’Eglise, soi-même, tout s’ordonne à la fin ultime que l’Esprit choisit dans les fidèles pour leur en faire éprouver l’irrésistible attrait.