Jacques 3, 1-12

LES  MAUX  DE  LA  LANGUE

Père Dominique Collin

Croire dans le monde à venir, Lettre de Jacques, p. 76s

 

          Aujourd’hui comme hier, toute prise de parole demande une véritable responsabilité si on veut empêcher qu’elle trébuche ! Saint Jacques n’est pas dupe : rare est l’homme accompli qui ne tombe jamais dans le piège que lui tend sa propre langue !

            C’est donc au phénomène de la langue bien pendue que, non sans humour, Jacques consacre ce passage haut en couleur et unique dans tout le Nouveau Testament. Jacques voit bien que la langue, ce petit membre, se vantant de grands effets n’est pas, comme on le croit, que l’organe de la parole, mais aussi celui de la… convoitise. Ou, pour être plus exact, que la langue sert à la fois d’organe aussi bien à l’expression de la parole de vérité qu’à la convoitise, maîtresse de séduction.

            Avec la langue, nous bénissons le Seigneur et Père ; avec elle aussi nous maudissons les hommes qui sont à l’image de Dieu ; de la même bouche sortent à la fois bénédiction et malédiction. Comment appeler une langue qui aussi bien maudit que bénit, sinon de fourchue, comme l’est la langue bifide du serpent ? Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Le serpent de la Genèse dont il est écrit qu’il a séduit l’homme et la femme en leur faisant convoiter le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal…

            Que la langue soit l’organe de la convoitise explique pourquoi elle nous tient en son pouvoir : la langue, nul homme ne peut la dompter. Ne parle-t-on pas de langue de vipère ? En revanche, si l’on pouvait être maître de sa langue, on commanderait au corps tout entier ! Qui peut se vanter d’être tellement sourd à la voix de la convoitise tapie en lui au point de pouvoir tenir sa langue ? Il est vrai et facilement vérifiable que la langue peut être incendiaire : un mot suffit parfois à mettre le feu ! La métaphore de l’incendie est particulièrement saisissante : La langue est un feu, écrit Jacques, parce qu’elle s’alimente directement dans la géhenne, du nom de cet endroit à Jérusalem où l’on entassait et brûlait les immondices. Rien d’étonnant donc à ce que la langue soit ordurière… La langue, qui s’attise dans le feu de la géhenne, est une langue qui brûle de convoitise et qui, comme le moyeu central échauffé d’une roue, enflamme tout le cycle des générations depuis que l’homme est parlant. Vision particulièrement sombre et pessimiste ? Oui, certainement, mais qui s’explique pour cette raison fondamentale que Jacques rappelle encore ici : La langue est aussi un feu, le feu de l’injustice. Si notre monde est injuste en raison de la convoitise qui y règne, il est légitime de penser que l’injustice est toujours liée à cet organe de perversion qu’est la parole.