Jacques 5, 12-20

Contre les souffrances de l’âme

Père Albert Geslin

L’épître de saint Jacques, p. 76s

 

          Et il couvrira la multitude des péchés, telle est la dernière proposition. Cette phrase est une citation des Proverbes (10,12) : Si la haine provoque les condamnations, la charité couvre tous les péchés.

            Le parallélisme antithétique est parfait : la haine est source des péchés, lesquels amènent les condamnations et la condamnation éternelle ; la charité est source de tout bien, et, quand elle émane du même cœur qui, par haine, a voulu le mal, elle couvre et détruit tous les péchés que la haine avait provoqués. C’était dire : le moindre acte d’amour parfait détruit tous les crimes.

            Saint Jacques prend à son tour le texte des Proverbes, en mettant au compte du convertisseur ce qui est dit de la charité qui couvre tous les péchés, sous-entendant : par sa charité à l’égard des pécheurs. Mais de quels péchés s’agit-il ? Evidemment les siens à lui, le convertisseur, comme le prouve l’analogie avec les Proverbes. La conjonction a le sens causatif : car. D’où nous avons : Il sauve son âme, car il couvre la multitude de ses péchés par la charité. Dès lors, l’âme est sauvée de qui les péchés sont enlevés ; or les péchés sont ceux du convertisseur ; c’est donc l’âme du convertisseur qui se trouve sauvée par sa charité.

            Ce commentaire se fortifie de plusieurs considérations. D’une part, s’il s’agissait de l’âme du converti, on aurait cette révélation, signalée par le qu’il le sache, que le converti, du fait qu’il se convertit, a son âme sauvée et ses péchés effacés : vérité courante, redondante, qui n’apprend rien au pécheur. S’il s’agissait, d’autre part, de l’âme du converti, à quoi amener deux fois la mention du convertisseur ? Pourquoi pas plutôt : S’il quelque pécheur est revenu de ses égarements, il doit savoir que son âme est sauvée et ses péchés couverts entièrement. La phrase est simple. Il faut donc conclure que le convertisseur a un rôle dans la phrase, puisque son nom y figure deux fois. Enfin, au surplus, les deux verbes, objet de la révélation,  sont au futur, sauvera et couvrira, annonçant quelque chose de distinct de l’acte de zèle, lequel est au passé, il ramène un pécheur de son égarement.

            Jacques établit cette grande vérité que travailler au salut des autres, c’est se sauver soi-même, car c’est faire un acte de charité parfaite ; or une acte de charité parfaite peut abolir tout un passé de crimes, il couvrira une multitude de péchés, comme chez le bon larron. L’apostolat est donc élevé par saint Jacques à la hauteur de la perfection : prêcher, c’est aimer Dieu et son prochain parfaitement.