Jacques 4,13 – 5,11

Parole aux croyants

François Vouga

L’épître de saint Jacques, p. 132s

 

           L’encouragement pressant à la persévérance, qui culmine dans l’évocation du destin des prophètes, de Job et de Jésus, répond immédiatement aux invectives qui précèdent contre les spéculateurs et contre les riches. Il en est la contrepartie directe. Il en reprend d’ailleurs le genre et les termes ; le ton reste celui des oracles prophétiques du Jugement. L’avènement du Seigneur est proche, le Juge est aux portes, c’est le temps des chants funèbres, des derniers jours, du Jour où va intervenir le Seigneur Sabaoth. C’est le temps où les uns spéculent sur l’avenir, où les autres engraissent leur cœur, alors qu’il s’agit, dans l’attente du Seigneur qui vient, de les affermir.

            Par les riches commerçants et par les grands propriétaires terriens, les chrétiens de condition modeste sont fascinés. Face à la tentation qu’ils représentent, Jacques exhorte les croyants à tenir bon, à persévérer et à résister, retrouvant ainsi le thème même du début de la lettre : la résistance et l’endurance face aux épreuves. L’enjeu de la parénèse pourrait n’être que tactique : ne vous laissez pas entraîner par la révolte ou le zélotisme, vous vous feriez massacrer. Jacques engagerait alors ses destinataires à la patience et à une attitude prudente des communautés à l’égard des notables et des riches qui les intimident, les exploitent et les contraignent à une insécurité permanente. La perspective paraît toutefois plus radicale. Jacques a dénoncé l’échec fondamental de tous ces gens admirés et enviés : les spéculateurs et les planificateurs passent à côté de la vie, les riches sont rongés par leurs propres richesses qui les détruisent. Que les membres des communautés, pauvres de Yahvé, ne se méprennent pas, qu’ils restent fidèles au bonheur qui leur est donné : ils tiennent le chemin de l’accomplissement de leur dignité humaine et de leur vocation. Celle-ci ne se joue en effet ni dans la mercantilisation du temps, ni dans la possession des biens, mais dans la résistance aux épreuves et dans la lutte contre les idoles et les puissances.

            La péricope est construite sur une succession d’impératifs : deux appels à la persévérance, illustrés par un exemple agricole, sont renforcés par l’évocation des modèles des prophètes, de Job et de Jésus. Puis interviennent d’autres thèmes : notre auteur met en garde ses destinataires contre les plaintes qu’ils pourraient exprimer les uns contre les autres. Cet élément paraît briser la cohérence ; c’est la perspective eschatologique et parénétique de l’ensemble qui permet d’expliquer sa place ici et son lien organique avec le contexte.