Osée 5, 15b – 7,2

L’éveilleur, le maître, le néophyte

Père Maurice Jourjon

Cyprien de Carthage, p. 16s

 

                « Cet homme redressé et lavé de son imputation, qu’il est beau ». Ce mot de Claudel traduisant librement le verset d’un psaume, comme il sied à merveille au nouveau baptisé et comme il traduit la conviction et les sentiments de Cyprien le jour où il devint cet homme tout neuf. Sa démarche vers le christianisme, Cyprien l’a-t-il accomplie sans guide ? A ce sujet, un certain Pontius a épondu à notre désir de savoir le nom et la qualité de l’être humain dont Dieu se servit. Le nom : Cecilius ; la qualité : un prêtre. Un jour ou l’autre, une âme en quête de son Dieu rencontre un visage humain et des mains consacrées pour lui faire voir et toucher la vie. Cyprien n’oublia jamais celui qui le fit ainsi passer des erreurs païennes à la connaissance du vrai Dieu. Devenu prêtre lui-même et ainsi le confère de celui qui était l’ami de son âme, il le considéra toujours comme son père en la vraie vie.

                Le voilà désormais homme nouveau, néophyte, c’est-à-dire jeune pousse dans le champ du Seigneur. Il n’a pas envie sûrement de se faire remarquer, mais n’a-t-il pas le devoir de dire aux païens leur fait, aux Juifs leur infidélité ? Que les idoles ne sont pas des dieux, il y a belle lurette que le christianisme, authentique héritier de la religion juive, s’acharne à le démontrer aux païens. En Afrique même, un grand écrivain chrétien s’était employé, le siècle précédent, à une critique passionnée du paganisme. On ne faisait guère de publicité à son nom, car cet homme illustre avait mal tourné. On avait garde d’oublier ses écrits, car il y révélait une étonnante maîtrise. Le maître : l’évêque Cyprien ne désignera pas autrement ce Tertullien dont il cachait le nom, mais dont il avouait ainsi l’importance. En attendant, d’ailleurs, le nouveau chrétien reprenait à son compte l’ironie du « Maître » sur les idoles sans vie et jetait dans le public un petit condensé d’anti-paganisme : Les idoles ne sont pas des dieux. Puis il se tournait vers les Juifs. A leur adresse, il groupait les témoignages de leurs propres Ecritures sur la vocation des Gentils et la divinité du Christ. Cyprien n’avait sans doute pas achevé de réunir ces preuves scripturaires lorsque sa vie prit soudain un tournant : de néophyte, il devint évêque. Décidément, selon le mot de notre cher Pontius une fois de plus éberlué, on allait cueillir le fruit mûr d’un arbuste à peine planté.