Exode 16, 1-18+35

La manne et les cailles

Ambroise de Milan

Des Mystères 44s, SC 25bis, p. 181s

 

          De peur que quelqu’un, voyant les choses visibles, ne dise : Dieu a fait pleuvoir la manne, il a fait pleuvoir les cailles pour les Juifs, tandis que pour son Eglise bien-aimée, voilà ce qu’il a préparé, ce dont il est dit : Ce que l’œil n’a pas vu, ni l’oreille entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. Afin donc qu’on ne dise pas cela, nous voulons prouver avec grand soin que les sacrements de l’Eglise sont supérieurs à la manne.

          En vérité, il est admirable que Dieu ait fait pleuvoir la manne pour nos pères et qu’ils aient été rassasiés chaque jour d’une nourriture du ciel. C’est pourquoi il est dit : L’homme a mangé le pain des anges. Pourtant ceux qui ont mangé ce pain au désert sont tous morts ; cette nourriture, au contraire, que tu reçois, ce pain vivant qui est descendu du ciel, fournit le soutien de la vie éternelle, et quiconque le mange ne mourra jamais, car c’est le corps du Christ.

          Quel est le pain supérieur : le pain des anges ou la chair du Christ, laquelle est certes le corps qui donne la vie ? Cette manne-là était du ciel, celle-ci est au-dessus du ciel ; celle-là appartenait au ciel, celle-ci au maître du ciel ; celle-là est sujette à la corruption si on la gardait jusqu’au lendemain, celle-ci est étrangère à toute corruption : quiconque en goûte avec respect ne peut éprouver la corruption.

          Peut-être diras-tu : Je vois autre chose. Comment affirmes-tu que je reçois le corps du Christ ? Je te réponds qu’il ne s’agit pas de ce que la nature a produit, mais de ce que la bénédiction est plus grande que celle de la nature, puisque la bénédiction change la nature elle-même, que la grâce  a une plus grande puissance que la nature. Si la bénédiction d’un homme a eu une puissance assez grande pour changer la nature, que dirons-nous de la consécration faite par Dieu lui-même, alors que ce sont les paroles mêmes du Sauveur qui agissent ? Car ce sacrement que tu reçois est produit par la Parole du Christ. Tu as lu à propos des œuvres de l’univers entier : Il a dit et ce fut fait, il a ordonné et ce fut créé. La Parole du Christ, qui a pu faire de rien ce qui n’était pas, ne peut-elle donc pas changer les choses qui sont en ce qu’elles n’étaient pas ? Car il n’est pas moins difficile de donner aux choses une nouvelle nature que de changer cette nature.