Exode 19, 1-19 + 20, 18-21

La montagne du Sinaï

Saint Grégoire de Nysse

La vie de Moïse, SC 1 bis, p. 79s

 

          C’est une montagne escarpée et d’accès vraiment difficile que la connaissance de Dieu, c’est-à-dire la théologie. A peine la foule peut-elle parvenir à sa base. Mais s’il s’agit de quelque Moïse, au cours de son ascension, il percevra le son des trompettes qui devient plus fort, nous dit le texte, à mesure qu’on avance. La véritable trompette qui frappe l’oreille, c’est la prédication de la divinité, qui, puissante dès l’abord, devient plus forte et frappe davantage les oreilles dans les derniers temps. La Loi et les Prophètes ont proclamé le mystère de l’Incarnation, mais ces premiers sons étaient trop faibles pour parvenir à des oreilles indociles : aussi parce qu’ils avaient l’oreille dure, les Juifs n’ont-ils pas perçu le son des trompettes. Mais le son de la trompe, comme dit le Verbe, devint de plus en plus fort. Ces derniers sons, qui représentent la prédication de l’Evangile, ont frappé les oreilles. C’est le Saint-Esprit dont la voix, par le moyen des instruments, retentissait de façon plus éclatante alors et rendait un son plus distinct : quant aux instruments, ce sont les Prophètes et les Apôtres, résonnant sous le souffle de l’Esprit, eux dont il est écrit dans le psautier que leurs voix s’est répandue sur toute la terre et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde.

          Que si la foule ne peut entendre la voix, qui vient d’en-haut, mais charge Moïse de prendre par lui-même connaissance des mystères cachés pour lui communiquer ensuite les enseignements qu’il aura reçu du Maître céleste, cela aussi se retrouve dans l’économie de l’Eglise : tous ne cherchent pas à pénétrer dans l’intelligence des mystères, mais ils choisissent quelqu’un parmi eux qui soit apte à percevoir les choses divines et ils lui prêtent volontiers l’oreille ensuite, jugeant digne de foi tout ce qu’ils entendent de celui qui a été initié aux secrets divins. Tous, en effet, ne sont pas apôtres, dit saint Paul, ni tous prophètes. Ceci n’est plus observé aujourd’hui dans de nombreuses églises. Beaucoup, qui ont encore besoin de se purifier eux-mêmes de leurs actions passées, et dont la vie est encore remplie de taches comme un vêtement qui n’a pas été lavé, osent aborder la montée vers Dieu, avec la seule protection de la connaissance sensible. Il s’ensuit qu’ils sont lapidés par leurs propres pensées : les opinions hérétiques en effet sont des sortes de pierres qui accablent leur propre inventeur.