Jean 3, 14-21

Le serpent d’airain

Saint Augustin

Traité 12, 11 sur l’évangile de saint Jean, p. 655s

 

          Dans le désert, le peuple d’Israël succombait sous la morsure des serpents : c’était un fléau de Dieu qui châtiait et frappait pour instruire.

          Le Seigneur ordonna à Moïse de fabriquer un serpent d’airain, de l’élever sur un bois au milieu du désert et d’avertir le peuple d’Israël que, si quelqu’un était mordu par un serpent, il ait à regarder le serpent élevé sur le bois. Ainsi fut-il fait : ils étaient mordus, ils regardaient et ils étaient guéris.

          Que représentent les serpents qui mordent ? Les péchés de notre chair mortelle. Quel est le serpent qui est élevé ? La mort du Seigneur en croix. Comme la mort est venue par le serpent, elle a été figurée par une effigie de serpent. La morsure du serpent donne la mort, la mort du Seigneur donne la vie. On regarde le serpent pour que le serpent n’ait plus aucun pouvoir. Qu’est-ce à dire ? C’est pour que la mort n’ait plus aucun pouvoir, qu’on regarde la mort. Mais la mort de qui ? La mort de la Vie : voilà une expression merveilleuse. Le Christ n’est-il pas la vie ? Et pourtant le Christ a été crucifié. Dans la mort du Christ, la mort a trouvé la mort, parce que la Vie, frappée à mort, a tué la mort ; la plénitude de la Vie a englouti la mort, la mort a été anéantie dans le corps du Christ. C’est ce que nous proclamerons à la Résurrection, quand, déjà triomphants, nous chanterons : Mort, où est ta puissance ? Mort où est ton aiguillon ?

          En attendant, pour être guéris du péché, regardons le Christ crucifié, lui qui nous dit : De même que Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé afin que tous ceux qui croient en lui aient la vie éternelle. De même que ceux qui, jadis, regardaient le serpent ne mouraient pas des morsures du serpent, ainsi ceux qui regardent par la foi la mort du Christ sont guéris des morsures du péché. Eux, ils étaient guéris de la mort pour jouir d’une vie temporelle, le Christ affirme dans l’évangile : Pour qu’ils aient la vie éternelle. Telle est en effet la différence entre la figure et la réalité : la figure ne donnait qu’une vie temporelle, la réalité, dont elle était la figure, donne la vie éternelle.